Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/101

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proposition si raisonnable, et qui offrait des bénéfices si plausibles.

La septième lettre était du chef d’une grande maison de commerce en Espagne, dans laquelle j’avais un intérêt, et dont les affaires avaient été momentanément dérangées par suite des efforts du peuple pour obtenir le redressement de griefs réels ou imaginaires. Mon correspondant montrait à cette occasion une indignation convenable, et il n’épargnait pas les injures quand il parlait des tumultes populaires : « Que veulent ces misérables ? » demandait-il avec beaucoup de force ; « notre vie aussi bien que notre fortune. Ah ! mon cher Monsieur ! Ce fait fatal nous fait sentir à tous, » par nous, il entendait les marchands, « l’importance d’un pouvoir exécutif armé d’une grande force. Où en aurions-nous été sans les baïonnettes du roi ? Que seraient devenus nos autels, nos foyers et nos personnes, s’il n’avait plu au ciel de nous accorder un souverain dont la volonté est indomptable, le cœur plein de fermeté, et les résolutions prises avec promptitude ? » Je lui écrivis une lettre de félicitation, et je décachetai ensuite la huitième et dernière épître.

Elle m’était adressée par le chef d’une autre maison de commerce de New-York dans les États-Unis d’Amérique, pays du capitaine Poke. Il paraissait que le président, par un exercice décidé de son autorité, avait attiré sur lui l’exécration d’une grande partie du commerce ; car l’effet de cette mesure, juste ou injuste, légale ou illégale, avait été de faire disparaître l’argent. Il n’y a pas d’homme qui soit si philosophe dans ses idées, si habile à découvrir les faits, si prompt à les analyser, si animé dans ses philippiques, et si éloquent dans ses plaintes, qu’un débiteur, quand l’argent devient rare tout à coup. Son crédit, ses nerfs, son sang, sa vie, tout paraît en dépendre ; et il n’est pas étonnant qu’éprouvant de si vives impressions, des hommes qui s’étaient bornés toute leur vie au tran-tran régulier et tranquille d’acheter et de vendre, se métamorphosent subitement en logiciens, en politiques ; oui, et même en magiciens. Tel était le cas de mon correspondant. Il avait paru jusque alors ne rien connaître à la politique de son pays, et ne pas plus s’en soucier que s’il n’y eût pas demeuré ; mais à présent il était prêt à fendre un cheveu avec un métaphysicien, et il n’aurait pu parler en termes plus emphatiques de la constitution, quand même il l’aurait lue. Les limites que je me suis fixées ne me permettent pas de donner toute sa lettre, mais