CHAPITRE XVIII.
ès que l’Ami du peuple et le brigadier furent partis, je fis
venir mon hôtesse, et je lui demandai si l’on pouvait trouver des
costumes de cour dans le voisinage. Elle me répondit qu’on pouvait
certainement en trouver, mais qu’ils étaient adaptés aux
dimensions des Monikins, et qu’elle doutait que, dans le royaume
de Leaphigh, on pût trouver une queue naturelle ou artificielle
qui convînt à ma taille. Cela était contrariant, et j’étais enfoncé
dans de sombres réflexions, mettant mon esprit à la torture pour
trouver quelque expédient, quand le capitaine Poke entra dans
l’auberge tenant en main deux queues de bœuf aussi formidables
par leur taille que j’en eusse jamais vu. M’en ayant jeté une, il
me dit que le grand-amiral de Leaphigh l’avait informé qu’il
était invité à paraître le soir même à la cour avec le prince et son
gouverneur. Il n’y avait pas de temps à perdre et le capitaine
était parti à la hâte pour venir m’apprendre l’honneur qu’on nous
rendait, après avoir fait ce qu’il appela un fort bon dîner, pour
un dîner où il n’y avait rien de solide. Il voulait dire qu’il ne s’y
trouvait pas de porc salé, dont il était particulièrement amateur.
Chemin faisant, il avait rencontré le docteur Reasono, qui n’avait
pas manqué de l’avertir que nous devions nous présenter en costume de cour. Ce fut pour le capitaine un cruel embarras, car
la première idée qui le frappa, fut l’impossibilité de trouver à
Leaphigh quelque chose de ce genre qui pût convenir à la longueur
de la queue d’un lord grand-amiral d’Angleterre ; se montrer
à la cour avec une queue ordinaire de Monikin, ce serait
comme si l’on mettait les mâts d’un brick sur le tillac d’un vais-