Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 14, 1839.djvu/43

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précieux pour y toucher légèrement dans la vue de faire valoir une théorie impraticable.

Anna garda le silence. Les opinions qu’elle aimait le plus à conserver, et les faibles lueurs de vérité auxquelles nous réduisent les relations ordinaires de la vie, jetaient probablement quelque confusion dans ses idées. Quant au bon docteur, je n’eus pas de peine à comprendre la pente de son esprit, quoique ni ses prémisses, ni ses conséquences n’eussent cette clarté logique qui distinguait ordinairement ses sermons, surtout quand il prêchait sur les hautes vertus de la religion, telles que la charité, l’amour de nos semblables, et particulièrement le devoir impérieux de nous humilier devant Dieu.

Un mois après ce dialogue, dont je dus la connaissance au hasard, une chance semblable me fit entendre ce qui se passa entre mon père et sir Joseph Job, autre agioteur célèbre, dans une entrevue qu’ils eurent chez mon père, dans Cheapside. Comme cet entretien offre une grande différence avec le précédent, j’en rapporterai la substance.

— Ce mouvement est très-sérieux et très-alarmant, monsieur Goldencalf, dit sir Joseph, et il exige de l’union et de la cordialité entre les capitalistes. Si ces opinions damnables se répandaient parmi le peuple, que deviendrions-nous ? — je vous le demande, monsieur Goldencalf, que deviendrions-nous ?

— Je suis d’accord avec vous, sir Joseph, cela est alarmant, très-alarmant.

— Nous aurons des lois agraires, Monsieur. Votre argent et le mien, Monsieur, — cet argent que nous avons eu tant de peine à gagner, deviendra la proie des brigands politiques : et nos enfants seront réduits à la mendicité pour satisfaire l’envie de quelque misérable qui n’a pas un shilling.

— C’est un état de choses bien triste, sir Joseph, et le gouvernement a grand tort de ne pas lever au moins-dix nouveaux régiments.

— Le pire de tout, monsieur Goldencalf, c’est qu’il se trouve dans l’aristocratie quelques ânes qui se mettent à la tête de ces coquins, et qui leur donnent la sanction de leurs noms. Nous commettons une grande faute dans cette île, en accordant tant d’importance à la naissance. C’est par ce moyen que d’orgueilleux mendiants font mouvoir une foule de sales coquins ; et qui en