Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/111

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leur réunion, Grace pensa qu’il n’existait plus aucune différence d’opinion entre elle et sa cousine.

Le lendemain matin était le 1er juin, et ce fut encore une de ces journées qui font si bien valoir les beautés d’un paysage. Les voyageurs montèrent à bord de la première barque qu’ils trouvèrent, et quand ils entrèrent dans la baie de Newburgh, le triomphe de l’Hudson fut établi. C’est véritablement un endroit tel qu’on en trouve peu dans quelque pays que ce soit. Grace prétendit pourtant que la beauté en avait un caractère encore plus agréable qu’imposant. Les maisons de campagne étaient jolies, bien situées et en grand nombre, et les hauteurs qui entouraient la ville en étaient particulièrement couvertes ; mais John Effingham secoua la tête avec un air de désapprobation en voyant des temples grecs se montrer les uns après les autres.

— À mesure qu’on s’éloigne de l’influence des architectes réguliers, dit-il, on voit l’imitation prendre la place du génie. Beaucoup de ces bâtiments pèchent évidemment par les proportions, et alors, comme les prétentions vulgaires de toute espèce, l’architecture grecque procure moins de plaisir même que la hollandaise.

— Je suis surpris de trouver ici si peu de traces du caractère hollandais. Je n’y vois presque rien qui rappelle ce peuple. Je crois pourtant que ce sont les Hollandais qui ont formé le premier moule de votre société ; car cette colonie, dans son enfance, leur appartenait.

— Quand vous nous connaîtrez mieux, vous serez surpris d’y retrouver si peu de chose de ce qui existait il y a une douzaine d’années. Nos villes passent comme les générations de leurs habitants. Les noms des différentes places subissent même des changements périodiques, comme toute autre chose. Je crains que l’amour du changement ne devienne le trait dominant du caractère américain.

— Mais, cousin John, n’oubliez-vous pas, dans votre censure, de faire attention aux causes ? Qu’une nation qui augmente aussi rapidement que celle-ci en richesse et en population, désire de plus belles habitations que ses ancêtres, quand elle a le goût et les moyens d’en construire, et que les noms changent avec les individus, c’est ce qui est tout naturel.

— Tout cela est très vrai, miss Effingham, mais cela n’explique pas la singularité dont je parle. Prenons Templeton pour exemple. En reportant mes souvenirs aussi loin que possible, la