Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

anglais ? Croyez-vous que votre oncle, Grace, que mon cousin John, dont l’esprit est si fier et si élevé, voudraient accepter une aussi pauvre distinction que celle de baronnet, si nos institutions étaient changées au point de permettre de pareilles classifications sociales ?

— Et que seraient-ils donc, Ève, sinon baronnets ?

— Comtes, marquis, ducs, princes même. Ce sont les titres des plus hautes classes en Europe ; et dans ce cas, ce seraient ceux qui appartiendraient aux plus hautes classes de notre pays ou des équivalents.

— Je crois qu’on ne persuaderait pas à sir George Templemore d’admettre tout cela.

— Si vous aviez vu miss Ève entourée et admirée par des princes comme je l’ai vue, miss Grace, dit Nanny Sidley, vous ne trouveriez pas un simple sir George à moitié assez bon pour elle.

— Notre bonne Nanny entend un sir George, dit Ève en riant, et non le sir George en question. Mais sérieusement, chère cousine, c’est plus de nous et moins des autres qu’on ne le croit ordinairement que dépend le jour sous lequel on nous regarde. Ne savez-vous pas qu’il existe en Amérique des familles qui, si elles étaient disposées à faire des objections autres que celles qui sont purement personnelles, en feraient au mariage de leur fille avec des baronnets et des porteurs de rubans rouges ou bleus, sous le rapport du rang qu’elles occupent ? Quelle absurdité ce serait si un sir George ou le sir George refusait, par égard pour son rang, la fille d’un président des États-Unis, par exemple ! Et pourtant, j’en réponds, vous ne regarderiez pas comme un grand honneur personnel, si M. Jackson avait un fils, qu’il demandât votre main pour lui à mon père. Respectons-nous nous-mêmes, ayons soin d’agir en véritables dames et en hommes bien élevés, et loin que les rangs et les titres nous deviennent nécessaires, nous mettrons en discrédit, avant qu’il soit longtemps, toutes ces futiles distinctions, en prouvant qu’elles ne sont utiles ni à aucun intérêt important, ni au véritable bonheur, et qu’elles ne rendent pas plus respectable.

— Et ne croyez-vous pas, Ève, que sir George Templemore pense qu’il existe une différence de rang entre lui et nous ?

— C’est ce dont je ne saurais répondre. Il est assez modeste ; et quand il verra que nous appartenons à la plus haute condition sociale d’un grand pays, il est possible qu’il regrette de n’avoir