Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/196

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temps à étudier le caprice populaire, qu’il regardait la faveur publique comme le souverain bien de la vie.

— Mais le public affirme que la pointe lui appartient, monsieur Effingham.

— Et moi, j’affirme qu’elle ne lui appartient pas, monsieur Bragg ! Jamais elle ne lui a appartenu et jamais elle ne lui appartiendra de mon consentement.

— C’est tout simplement une question de fait, dit John Effingham, et j’avoue que je voudrais savoir d’où ce public tout-puissant tire ses droits à cette propriété, et comment il les a acquis. Vous êtes assez homme de loi, monsieur Bragg, pour savoir que le public ne peut posséder une propriété qu’en vertu de l’usage continu qu’il en a fait, ou d’un statut spécial. Or, quel titre allègue le public à l’appui de cette prétention ?

— D’abord l’usage continu, Monsieur, et ensuite une donation spéciale.

— Vous savez que l’usage, pour être valide, doit avoir lieu malgré les droits réclamés par d’autres prétendants. Or, je suis un témoin vivant que feu mon oncle a permis au public l’usage de cette pointe, et que le public a accepté cette condition. L’usage n’en a donc eu lieu contre les droits de personne, et il n’a pas duré assez longtemps pour constituer une prescription. Chaque heure que mon cousin a permis au public de jouir de sa propriété ajoute à ses droits et à l’obligation que doit lui avoir le public, et impose d’autant plus à ce public le devoir d’y renoncer du moment qu’il le désire. Si mon oncle, comme vous semblez le dire, en a fait une donation spéciale, il doit y avoir une loi qui autorise la communauté à l’accepter, ou du moins un fidéi-commis. En existe-t-il ?

— Je conviens, monsieur John Effingham, que je n’ai vu ni loi, ni décret, et je doute qu’il en existe. Cependant le public doit avoir des droits, car il est impossible que tout le monde se trompe.

— Rien n’est plus commun que de voir des communautés entières se tromper, surtout dans les moments d’agitation.

— Tandis que son cousin parlait, M. Effingham ouvrit un secrétaire, y prit une liasse de papiers, et déplia plusieurs titres en parchemin auxquels étaient attachés de grands sceaux portant les armoiries de l’ancienne colonie et celles d’Angleterre.

— Voici mes titres de propriété, Monsieur, dit-il à Aristobule ;