Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oubliée au wigwam. Plein de confiance dans ses droits, M. Effingham, quoique indigné qu’on voulût abuser ainsi de sa longue libéralité, grâce à laquelle ce terrain avait été ouvert au public, ce qui n’avait été que trop souvent gênant et désagréable pour le propriétaire, avait pour le moment écarté ce sujet de son esprit, et repris ses occupations ordinaires. Il n’en était pas de même de M. Bragg. Il avait assisté à l’assemblée comme il l’avait promis, et maintenant une sorte d’importance mystérieuse semblait régler tous ses mouvements, comme s’il eût été le dépositaire de quelque grand secret. Cependant personne n’y faisait attention ; car Aristobule, ses secrets et ses opinions avaient trop peu de prix aux yeux de la plus grande partie de la compagnie pour qu’on s’en inquiétât. Il avait pourtant trouvé un homme qui sympathisait avec lui en la personne de M. Dodge, qui, grâce à la grande politesse de M. Effingham, avait été invité à passer quelques jours avec ceux dans la compagnie desquels il avait, fort involontairement, couru tant de périls. Ils devinrent bientôt amis intimes ; et tout étranger qui aurait été témoin de leurs conférences secrètes dans des coins, de leurs conversations à demi-voix, et de leurs secouements d’épaules, les aurait crus chargés des affaires les plus importantes de l’État. Mais cette pantomime, qui avait pour but d’éveiller l’attention générale, était à peu près perdue pour toute la compagnie. Les dames, accompagnées de Paul et du baronnet, allèrent faire une promenade à pied dans la forêt après le déjeuner, et les deux cousins continuèrent à lire avec une indifférence contrariante les journaux qui arrivaient de la ville tous les matins. Ni Aristobule ni M. Dodge n’y purent résister plus longtemps ; et après avoir mis leur esprit à la torture pour engager l’un ou l’autre à leur faire quelque question sur l’assemblée de la veille, le désir de se décharger le cœur l’emporta sur leur affectation de mystère, et ils firent prier M. Effingham de leur donner audience dans sa bibliothèque. M. Effingham y consentit ; mais prévoyant quel serait le sujet de la conversation, il pria John de rester. Tous quatre furent bientôt réunis dans cet appartement.

À l’instant même où sa demande d’une entrevue venait de lui être accordée, Aristobule hésita sur ce qu’il devait dire. Enfin M. Effingham lui ayant dit qu’il était prêt à l’entendre, il sentit qu’il était trop tard pour changer de détermination.

— J’ai assisté à l’assemblée d’hier soir, comme nous en étions