Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/272

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fait sa société ordinaire, ses regrets sincères ne diminuèrent rien de son admiration pour une cousine qu’elle aimait si tendrement.

Quant à M. Dodge et à M. Bragg, ils avaient décidé l’un et l’autre que c’était la plus sotte fête qu’ils eussent jamais vue en cet endroit, car il ne s’y trouvait ni grands éclats de rire, ni gaieté bruyante, ni traits d’esprit grossiers, ni plaisanterie politique. Il leur semblait que c’était le comble de l’arrogance qu’une compagnie particulière eût la présomption de se rendre sur un terrain consacré par l’opinion publique pour y jouir d’un plaisir que nul autre ne pouvait partager.

— J’espère, dit John Effingham vers la fin du repas, tandis que la compagnie se disposait à quitter la place pour que les domestiques pussent s’occuper des préparatifs du départ ; j’espère, ma chère mistress Hawker, que vous êtes informée du charme fatal attaché à cet endroit, où l’on assure que jamais on n’a fait en vain la cour à une femme. Voici le capitaine Truck et moi qui sommes prêts à chaque instant à nous servir de ces couteaux à découper, faute d’épées, et je crois qu’il sera prudent à vous de ne plus sourire d’aujourd’hui, de peur que la jalousie au teint jaune ne l’attribue à un faux motif.

— Si vous m’aviez défendu de rire, Monsieur, j’aurais pu résister à cette injonction ; mais un sourire est beaucoup trop faible pour peindre le plaisir que cause une pareille journée. Vous pouvez donc compter sur ma discrétion. — Mais est-il bien vrai que ces ombrages soient favorables à l’hymen ?

— On pourrait se méfier de l’histoire qu’un garçon raconterait des progrès de l’amour comme de celle de l’éducation de ses enfants ; mais telle est la tradition, et je ne mets jamais le pied ici sans me faire auparavant à moi-même de nouveaux vœux de constance. Après cette annonce du danger, oserez-vous accepter mon bras ? Je vois certains signes qui prouvent que nous ne pouvons passer toute la vie dans le sein de ces plaisirs, quelque grands qu’ils puissent être.

Toute la compagnie se leva, et se divisa encore en groupes et en couples qui allèrent se promener de nouveau sur le rivage ou sous les arbres pendant que les domestiques faisaient les préparatifs du départ. Le hasard, — peut-être une intention secrète, — fit que sir George et Grace se trouvèrent tête à tête ; mais ils ne s’en aperçurent qu’après avoir descendu une petite hauteur qui