élevé que le commun des hommes. Il n’a qu’à déclarer qu’il est charmé de ce pays pour y être bien vu, ou qu’il en est mécontent pour s’y voir sincèrement haï.
— Et en quoi l’Amérique diffère-t-elle à cet égard de tout autre pays ? demanda Ève avec quelque vivacité.
— Elle en diffère certainement fort peu. L’amour, l’indifférence et la haine font naître les mêmes sentiments ; il n’y a rien de nouveau à cela. Mais les habitants des autres pays ayant plus de confiance en eux-mêmes, sont moins sensibles à ce que les autres pensent d’eux. Je crois que c’est en cela que consiste toute la différence.
— Mais sir George vous trouve à son gré ? demanda M. Howel avec intérêt.
— Il a du moins trouvé ici quelques personnes particulièrement à son gré, répondit Ève. Ne savez-vous pas que ma cousine Grace va devenir très-incessamment mistress — je lui demande pardon, — lady Templemore ?
— Juste ciel ! — est-il possible ? — lady Templemore ! — lady Grace Templemore !
— Non pas lady Grace Templemore, mais Grace, lady Templemore ; et lady Templemore pleine de grâces par-dessus le marché.
— Et l’on dit que vous avez refusé cet honneur, ma chère miss Ève !
— On ne vous a pas dit la vérité, répondit Ève surprise de cette remarque, mais prompte à rendre justice à toutes les parties intéressées ; sir George ne m’a jamais fait l’honneur de demander ma main, soit à mon père, soit à moi-même, et par conséquent il n’a pu être refusé.
— Cela est fort extraordinaire. J’ai entendu dire que vous vous connaissiez en Europe.
— Oui, monsieur Howel ; mais j’ai connu en Europe des centaines de personnes qui n’ont jamais songé à m’épouser.
— Eh bien ! cela est fort étrange, — tout à fait inattendu ; un baronnet épouser miss Van Courtlandt M. John Effingham est-il dans ces bosquets ?
Ève ne fit aucune réponse à cette question, mais Paul se hâta d’y répondre.
— En retournant sur vos pas, et en prenant la première allée à gauche, je crois que vous le trouverez.
M. Howel prit le chemin indiqué, et fut bientôt hors de vue.