Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/315

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— Je connais mal le caractère de mon ami, s’il laisse à miss Grace le moindre doute sur ce sujet. Cinq minutes de franchise en ce moment peuvent prévenir des années de méfiance.

— Et avoueriez-vous une première faiblesse de cette sorte, monsieur Powis, à la femme dont vous seriez décidé à faire votre épouse ?

— Je ne dois pas me citer pour autorité pour ou contre une telle franchise puisque je n’ai jamais aimé qu’une fois, mais avec une sincérité et une ferveur qui ne peuvent jamais admettre de rivalité. — Miss Effingham, il y aurait quelque chose de pire que de l’affectation ; — ce serait presque me jouer d’un être qui est sacré à mes yeux, si je ne m’expliquais pas complètement en ce moment, quoique ce que je vais dire me soit arraché par les circonstances, et que je sache à peine dans quel but je vais parler ainsi. Me permettez-vous de continuer ?

— Vous n’avez pas besoin de cette permission, monsieur Powis ; vous êtes le maître de vos secrets.

Comme tous les hommes agités par de fortes passions, Paul était inconséquent et loin d’être juste. Ève le sentit, même pendant que son esprit cherchait des excuses ingénieuses pour pallier la faiblesse du jeune homme. Cependant l’idée qu’elle allait entendre une déclaration, qui peut-être ne devrait jamais être faite, était un poids sur son cœur, et c’est ce qui fit qu’elle lui parla avec plus de froideur qu’elle n’en éprouvait réellement. Cependant, comme elle n’ajouta rien à ce peu de mots, Paul vit qu’il lui devenait indispensable de s’expliquer.

— Je ne vous retiendrai ni ne vous fatiguerai longtemps, miss Effingham, lui dit-il, en vous faisant l’histoire de ces premières impressions, qui de jour en jour sont devenues plus profondes, et qui ont fini par être inséparables de mon existence. Vous savez que c’est à Vienne que nous nous sommes vus pour la première fois. Un Autrichien de haut rang, à qui des circonstances heureuses m’avaient fait connaître, m’avait introduit dans la meilleure société de cette capitale, et je vous y trouvai l’objet de l’admiration de tous ceux qui vous connaissaient. Mon premier sentiment fut l’orgueil de voir une de mes jeunes compatriotes, — vous étiez alors presque encore une enfant, miss Effingham, — devenue le plus grand attrait d’une métropole célèbre par la grâce et la beauté de ses femmes.

— Votre partialité nationale vous avait rendu un juge injuste