Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/358

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Il n’en était pas de même de son père. Franc, simple, et ami de la vérité, M. Effingham renouvela sa proposition de faire venir Paul, et d’éclaircir l’affaire sur-le-champ.

— Vous êtes trop raisonnable, John, dit-il ensuite, pour qu’une antipathie contre un nom, et un nom que votre mère a porté, l’emporte sur votre amour de la justice. Je sais que quelques discussions désagréables se sont élevées relativement à la succession de ma tante, votre mère ; mais il y a vingt ans qu’elles ont été décidées en votre faveur, et, comme je le croyais, à votre entière satisfaction.

— Malheureusement les querelles de famille sont les plus invétérées, et celles qui sont ordinairement les plus irréconciliables, dit John Effingham, éludant une réponse plus directe. Je voudrais que ce jeune homme eût tout autre nom que celui d’Assheton. Je n’aimerais pas à voir Ève promettre sa foi en face de l’autel à un homme portant ce nom maudit.

— Si jamais cela arrive, mon cher cousin John, ma foi sera donnée à l’homme, et non à son nom.

— Non, non ; — il faut qu’il conserve celui de Powis, sous lequel nous avons tous commencé à l’aimer, et auquel il a fait tant d’honneur.

— Cela est fort étrange, John, pour un homme qui a autant de raison et de jugement que vous ; je propose encore une fois de faire venir Paul, et de nous assurer à quelle branche de cette famille que vous détestez si fort il appartient réellement.

— Non, mon père, non ; pas à présent, si vous m’aimez ! s’écria Ève, arrêtant la main de M. Effingham à l’instant où il touchait le cordon de la sonnette ; ce serait lui montrer de la méfiance, et même le traiter avec cruauté, que de lui faire subir si tôt cette sorte d’interrogatoire.

— Ève a raison, Édouard, mais je ne me coucherai pas sans tout savoir. Nous avons commencé, Paul et moi, l’examen de certains papiers que nous a confiés le pauvre Lundi ; je ferai venir Paul pour le terminer, et je trouverai quelque occasion pour lui parler de nouveau de sa propre histoire. La première fois que je l’ai interrogé sur ce sujet, il a répondu à mes questions avec une entière franchise.

— Faites-le, cousin John, et faites-le sur-le-champ. Je puis remettre Paul entre vos mains, car je sais combien vous l’aimez et vous l’estimez au fond du cœur. Voyez, il est déjà près de dix heures.