Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/36

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porte elle-même un nom historique, et elle ne renoncera pas à une fierté honorable pour tirer d’embarras une des puissances hostiles.

— Tout en convenant que le temps et le mérite doivent placer les familles sur le même pied en Amérique qu’en Europe, je ne vois pas qu’il soit d’accord avec vos institutions d’appuyer de la même manière sur les circonstances.

— Nous sommes parfaitement du même avis sur ce point ; car je crois que c’est l’Américain qui doit être le plus fier de sa famille.

— Vous paraissez aimer ce soir les paradoxes, miss Effingham ; car je suis très-certain que vous pourriez à peine soutenir cette assertion d’une manière plausible.

— Si j’avais ici mon ancien allié M. Powis, dit Ève touchant le garde-feu de son petit pied, et parlant d’un ton moins animé, mais plus doux et presque mélancolique, je le prierais de vous expliquer ce que je viens de vous dire, car il était singulièrement éloquent sur ce sujet. Mais, puisqu’il est absent, j’essaierai de le faire moi-même. En Europe, les places, le pouvoir, et par conséquent la considération, sont héréditaires, au lieu que dans ce pays-ci tout dépend des élections. Or, on doit être plus fier d’aïeux qui ont occupé des places éligibles, que d’ancêtres qui ne les ont remplies que par suite des accidents heureux ou malheureux de la naissance. La seule différence entre l’Angleterre et l’Amérique, c’est que vous donnez un rang positif, quand nous n’accordons que de la considération. L’estime est la base fondamentale de notre noblesse, et le grand sceau est celle de la vôtre. Et maintenant, ayant établi le fait qu’il existe d’anciennes familles en Amérique, voyons jusqu’à quel point elles ont de l’influence sur la société.

— Pour nous en assurer, il faut nous adresser à miss Van Courtlandt.

— Si l’on me demande mon opinion sur ce point, s’écria Grace avec vivacité, je dirai qu’elles en ont beaucoup moins qu’elles ne le devraient, car la grande multitude d’étrangers a complètement bouleversé toutes les convenances à cet égard.

— Et cependant, reprit Ève, j’ose dire que ces étrangers nous sont utiles. Un grand nombre d’entre eux doivent avoir été des gens respectables dans leur pays natal, et sont par conséquent une acquisition désirable pour une société qui, par sa nature, est nécessairement tant soit peu provinciale.

— Oh ! s’écria Grace, je puis tout tolérer excepter les hadgis.