Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/392

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feu » m’a mis en état de dissiper jusqu’au moindre doute, s’il pouvait en rester. M. Effingham lui-même, qui a tant de sang-froid et de circonspection, a déclaré que maintenant les preuves étaient suffisantes pour être admises par toute cour de justice en Amérique. Ce point doit donc être regardé comme décidé, et quant à moi, je m’en réjouis fort. M. John Effingham a longtemps passé pour un vieux garçon, et c’est un honneur pour le corps qu’un de ceux qui le composaient soit père d’un pareil fils.

En ce moment le commodore jeta l’ancre, et les deux amis commencèrent à pêcher. Pendant environ une heure leur conversation languit, parce qu’ils étaient entièrement occupés de leur pêche ; mais quand ils eurent pris une quantité suffisante de perches, ils débarquèrent près de leur source favorite, et allumèrent du feu pour faire griller leur poisson. S’asseyant ensuite sur l’herbe, ils se mirent avec ardeur à manger leur poisson et à avaler alternativement des rasades de punch, en reprenant leur entretien à leur manière philosophique, sentimentale et décousue.

— Nous sommes citoyens d’un pays étonnamment grand, commodore, dit le capitaine Truck après avoir vidé un verre étonnamment plein. Du moins c’est ce que tout le monde dit depuis le Maine jusqu’à la Floride, et ce que tout le monde dit doit être vrai.

— Bien certainement, général. Je suis quelquefois surpris qu’un si grand pays ait pu produire un si petit homme que moi. Une bonne vache peut avoir un mauvais veau, et cela explique l’affaire. Avez-vous, dans cette partie du monde, beaucoup de femmes aussi vertueuses et aussi pieuses que mistress Abbot ?

— Les montagnes et les vallées en regorgent. Vous voulez dire des femmes qui ont tant de religion, qu’elles n’ont pas de place pour autre chose ?

— Je regretterai jusqu’au jour de ma mort que vous n’ayez pas reçu votre éducation sur la mer. Si l’eau douce a pu développer en vous tant d’intelligence, que n’aurait pas fait l’eau salée ? Les gens qui tirent leur nourriture d’une cervelle et d’une conscience comme celle de M. Dodge, doivent aussi devenir avec le temps singulièrement clairvoyants.

— Précisément ses lecteurs vont bientôt plus loin qu’ils ne le pensent. Mais cela est peu important, Monsieur ; dans cette partie du monde, on ne conserve rien assez longtemps pour s’en servir à faire beaucoup de bien ou de mal.