Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/397

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de sa jeune maîtresse. Tandis qu’elle y travaillait comme d’ordinaire, elle parut extraordinairement agitée ; plus d’une fois elle plaça mal une épingle, et plus d’une fois elle eut à réparer ses méprises, ou à suppléer à ce qu’elle avait oublié. Ève était toujours un modèle de patience, et elle supporta ces petites bévues avec une tranquillité qui aurait donné à Paul une nouvelle garantie de l’empire admirable qu’elle avait sur elle-même, et de la douceur de caractère qui l’élevait presque au-dessus de la fragilité de la race humaine.

— Vous êtes un peu agitée ce matin, ma bonne Annette, dit-elle à sa femme de chambre dans un moment où celle-ci venait de commettre une méprise plus forte que les autres.

— J’espère que Mademoiselle a été contente de moi jusqu’à présent, répondit la suivante un peu mortifiée de sa maladresse, du ton que prend ordinairement une soubrette qui a dessein d’annoncer à sa maîtresse qu’elle va quitter son service.

— Certainement, Annette ; vous vous êtes toujours bien conduite, et vous entendez fort bien tous les devoirs de votre place. Mais pourquoi me faites-vous cette question précisément en ce moment ?

— Parce que… parce que… avec la permission de Mademoiselle, j’ai dessein de lui demander mon congé.

— Votre congé ! Pensez-vous donc à me quitter, Annette ?

— Je ne désirerais rien de plus que de mourir au service de Mademoiselle ; mais nous sommes tous esclaves de notre destinée, — cette conversation avait lieu en français, — et la mienne me force à cesser de servir comme femme de chambre.

— Cela est bien soudain, et c’est une résolution extraordinaire pour une jeune fille en pays étranger. Puis-je vous demander, Annette, ce que vous vous proposez de faire ?

Ici la soubrette se donna des airs, tâcha de rougir, baissa les yeux sur le tapis avec un air de modestie étudiée qui aurait pu tromper quelqu’un qui n’aurait pas connu la classe dont elle faisait partie, et annonça l’intention qu’elle avait de se marier dans un mois.

— De vous marier, Annette ! Ce n’est sûrement pas avec le vieux Pierce ?

— Pierce, Mademoiselle ! je ne daignerais pas jeter un regard sur lui. — Je vais épouser un avocat.

— Un avocat !