Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/399

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chambre, et alors ils passeraient dans les nouveaux établissements à l’ouest, où M. Bragg comptait exercer sa profession, ou se faire nommer au congrès, — se faire commerçant, — tenir une école, — ouvrir une taverne, — fendre du bois, — en un mot, faire tout ce qui pourrait lui procurer du profit, tandis qu’Annette contribuerait à sa part des frais du ménage en travaillant en modes et en donnant des leçons de français. Cette dernière occupation promettait de faire d’elle une péripatéticienne, car la population est fort éparse dans l’ouest, et la plupart des habitants de l’intérieur ne jugent pas nécessaire de prendre plus de trois mois d’instruction dans les plus hautes branches de l’éducation, leur but étant d’étudier, suivant leur expression, et non d’apprendre. Aristobule, qui dans tous ses projets ne songeait qu’à marcher en avant, aurait voulu abréger ce délai, mais Annette lui opposa sur ce point une résistance invincible ; son esprit de corps comme femme de chambre, et toutes ses idées de justice, ne lui permettaient pas de croire que les relations qui avaient existé si longtemps entre sa maîtresse et elle pussent se rompre en un seul instant. Les idées des deux futurs époux étaient si diamétralement opposées sur ce point, qu’une rupture pensa éclater entre eux ; M. Bragg portant l’indépendance naturelle de l’homme à un degré qui l’avait dispensé de toutes les obligations qui ne sont pas positivement imposées par la loi, et Annette maintenant la dignité d’une femme de chambre européenne à qui le sentiment des convenances ne permet pas de quitter sa maîtresse sans l’en avoir régulièrement informée d’avance. Cette difficulté fut heureusement aplanie, Aristobule ayant été chargé de la surintendance d’un magasin de marchandises pendant l’absence du propriétaire ; car M. Effingham, se doutant, d’après quelques mots échappés à sa fille, de ce qui s’était passé entre elle et lui, avait profité de l’époque du renouvellement de son engagement pour les fonctions qui lui avaient été confiées par son cousin, pour le remercier de ses services, et mettre ainsi fin à toutes relations avec lui.

Ce dénouement inattendu de la passion de M. Bragg pour Ève aurait beaucoup amusé celle-ci dans tout autre moment ; mais on ne doit pas s’attendre qu’une jeune fille, à l’instant de se marier, s’occupe beaucoup de la félicité d’êtres qui n’ont aucun droit naturel ou acquis à son affection. Les deux cousines, parées pour la cérémonie, se réunirent dans l’appartement de M. Effingham.