Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses autres hôtes pour donner toute son attention à un seul, sans s’occuper d’un seul de manière à lui devenir à charge, elle réussit en quelques minutes à faire oublier au capitaine tout ce qu’il avait dit du menuet, et à le mettre beaucoup plus à l’aise qu’il ne l’aurait été près de mistress Jarvis, après une connaissance d’un mois.

Pendant ce temps, Ève avait traversé le salon pour aller joindre une dame qui l’avait appelée par un sourire. C’était une jeune femme d’une taille légère et d’une physionomie agréable, mais dont les charmes n’auraient pas fait une sensation particulière dans une telle réunion. Cependant ses yeux étaient pleins de douceur, son sourire attrayant, et l’expression de ses traits annonçait la vivacité. Comme sir George Templemore l’accompagnait, Ève le présenta à cette dame, qu’elle appela mistress Bloomfield.

— Vous allez ce soir à quelque autre scène de gaieté, dit celle-ci en jetant un coup d’œil sur la parure de bal des deux cousines. Avez-vous pris les couleurs de la faction Houston, ou de celle Peabody ?

— Nous ne portons certainement pas celles de la faction verte, répondit Ève en riant, car vous voyez que nous sommes en blanc.

— Vous avez donc dessein de danser chez mistress Houston ? Ce costume y sera plus convenable qu’à l’autre faction.

— Y a-t-il donc des factions dans les mondes à New-York ? demanda sir George.

— Il y a des factions presque en toutes choses en Amérique, — en politique, en religion, en tempérance, en spéculations, en goût ; pourquoi n’y en aurait-il pas en modes ?

— Je crains que nous ne soyons pas assez indépendantes pour former des partis sur ce dernier objet.

— Parfaitement bien dit, miss Effingham. Il faut mettre un peu d’originalité dans ses idées, fût-ce à contre-sens, pour faire prendre une mode. Je crains que nous n’ayons à avouer notre insuffisance sur ce point. — Vous êtes arrivé depuis peu en ce pays, sir George Templemore ?

— Au commencement du mois dernier. J’ai eu l’honneur de faire le voyage avec M. Effingham et sa famille.

— Et pendant ce voyage vous avez eu à endurer naufrage, famine et captivité, s’il faut en croire la moitié de ce qu’on entend dire ?

— Ces bruits sont un peu exagérés. Nous avons couru quelques