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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/55

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aurait pu ajouter à ses connaissances en écoutant quelques chants du poëme épique de M. Dodge.

— J’ai parcouru quelques pages de cet auteur, répondit mistress Bloomfield, mais j’ai bientôt reconnu que c’était apprendre à rebours. Il y a un moyen infaillible par lequel on peut toujours aisément reconnaître le mérite d’un voyageur, du moins dans un sens négatif.

— Ce moyen mérite d’être appris, dit sir George, il nous éviterait de nous user inutilement les yeux.

— Quand un écrivain montre qu’il ne connaît nullement son propre pays, c’est une forte présomption que ses observations sur les autres ne peuvent être bien profondes. M. Dodge est un de ces écrivains, et une seule de ses lettres a suffi pour satisfaire ma curiosité. Je crains, miss Effingham, qu’en fait d’observations sur les mœurs, on n’ait importé récemment en ce pays une grande quantité de marchandises de bas aloi, comme portant la marque de la tour.

Ève sourit ; et déclara que sir George Templemore était plus en état qu’elle de répondre à cette question.

— On dit que nous sommes un peuple de faits plutôt que de raisonnements, continua mistress Bloomfield, et toute monnaie qui nous est offerte passe pour courante jusqu’à ce qu’il en arrive une meilleure. Les habitants de ce pays commettent une erreur singulière, mais que je crois très-générale, en supposant qu’ils peuvent vivre sous le régime actuel, quand cela serait impossible à d’autres, parce que leurs opinions marchent de niveau avec la condition actuelle de la société, tandis que ceux qui ont le plus réfléchi sur ce sujet pensent précisément tout le contraire.

— Ce doit être une situation curieuse pour un gouvernement si purement de convention, dit sir George avec intérêt ; et cela est certainement contraire à l’état de choses qui existe dans toute l’Europe.

— C’est pourtant un fait, et après tout cependant ce n’est pas un grand mystère. Le hasard nous a délivrés des fers dont vous êtes encore chargés. Nous sommes comme une voiture qui, arrivée sur le haut d’une montagne, roule d’elle-même pour en descendre sans l’aide de chevaux du moment qu’elle est poussée au-delà du point de résistance. On peut suivre avec l’attelage, et enrayer quand on arrive à la fin de la descente ; mais il est impossible de l’arrêter avant qu’elle y soit arrivée.