Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/63

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l’argent, à une langue bien pendue, à des yeux, à des pieds, à des dents, à un sourire, ou à tout autre trait isolé ; et je crois qu’aucune femme ne l’a jamais dû jusqu’ici à l’expression de la figure considérée dans son ensemble. Mais à quoi bon faire des descriptions quand on a la chose sous les yeux ? La jeune dame qui est debout précisément devant nous est une belle du premier calibre. — N’est-ce pas miss Ring, Grace ?

— Elle-même, répondit Grace. Et les yeux de ses amis se fixèrent à l’instant sur l’objet de cette remarque. La jeune dame en question pouvait avoir vingt ans. Elle était un peu grande pour une Américaine. Sa beauté n’avait rien de très-remarquable ; mais, comme la plupart des autres, elle avait des traits délicats, la taille svelte, un physique en un mot qui, avec quelques soins de sa part, aurait pu faire d’elle le beau idéal de la délicatesse et de la grâce féminine. Ses yeux bleus annonçaient de l’esprit naturel, et elle avait en outre la hardiesse d’une belle.

Autour de cette jeune personne étaient groupés non moins de cinq jeunes gens, vêtus strictement suivant la mode la plus nouvelle. Tous semblaient ravis de chaque mot qui sortait de ses lèvres, et chacun d’eux attendait évidemment avec impatience l’occasion de lui faire quelque repartie spirituelle. Tous riaient, surtout la jeune dame, et quelquefois tous parlaient en même temps. Miss Ring était pourtant celle qui parlait davantage, et une ou deux fois comme un des jeunes gens qui l’écoutaient, après un grand éclat de rire, se mettait à bâiller, et montrait des symptômes de vouloir battre en retraite, elle trouva le secret de le rappeler à son devoir par quelque remarque qui le concernait personnellement, on qu’elle savait devoir être de son goût.

Qui est cette dame ? demanda mademoiselle Viefville à peu près du même ton qu’on ferait une question semblable en voyant un homme entrer dans une église, pendant le service divin, son chapeau sur la tête.

Elle est demoiselle, répondit Ève.

Quelle horreur !

— Allons, allons, mademoiselle ! dit John Effingham en la regardant avec un air de mécontentement affecté, je ne souffrirai pas que vous nous représentiez la France comme immaculée sur ce point. Une demoiselle peut avoir une langue, et même parler à un jeune homme sans être coupable de haute trahison, quoique je convienne que cinq langues ne sont pas nécessaires, et que