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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/98

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sur la foi de la valeur imaginaire que donne un auctioneer aux biens qu’il vend ?

— C’est un jeu auquel elles se livrent aussi inconsidérément que celui qui risque sa fortune sur un coup de dés. Cette manie s’est tellement emparée de chacun, qu’on a complètement oublié cette vérité, que rien ne peut se soutenir sans base ; vérité aussi évidente que toutes les autres lois de la nature ; et celui qui proclamerait dans ce bâtiment des principes dont une cruelle expérience fera généralement reconnaître la vérité d ici à quelques années, serait heureux s’il s’en échappait sans être lapidé. J’ai vu bien des spéculations aussi folles, mais jamais aussi absurdes, aussi généralement répandues, et aussi alarmantes que celles-ci.

— Vous craignez donc que la réaction n’ait des suites sérieuses ?

— Nous sommes à cet égard dans une position plus favorable que d’autres nations. La jeunesse et les ressources réelles du pays écartent une grande partie du danger ; mais je prévois un coup terrible, et je crois que le jour n’est pas éloigné où cette ville s’éveillera de son illusion. Ce que vous voyez ici n’est qu’une faible partie de l’extravagance qui existe, car elle a gagné toute la communauté sous une forme ou sous une autre. Des émissions extravagantes de papier-monnaie, des crédits inconsidérés, qui commencent en Europe et qui s’étendent dans tout ce pays, et de fausses idées sur la valeur de leurs possessions chez des hommes qui n’avaient rien il y a cinq ans, ont complètement détruit l’équilibre ordinaire des choses ; et l’argent est tellement devenu le but de la vie, qu’on a cessé de le considérer comme un simple moyen d’existence. L’histoire du monde ne pourrait probablement fournir un autre exemple d’un grand pays si absolument dominé que le nôtre l’est en ce moment par cette maligne influence. Tous les principes sont engloutis dans le désir désordonné du gain ; et le pouvoir national, le besoin d’une sécurité permanente, les règles ordinaires de la société, les lois, la constitution, en un mot, tout ce qui est ordinairement si cher à l’homme, est oublié ou dénaturé pour soutenir cet état de choses contre nature.

— Cette situation est non seulement extraordinaire, mais effrayante.

— Oui, elle est l’un et l’autre. Toute la communauté est dans la position d’un homme qui éprouve un commencement d’ivresse, et qui continue à boire coup sur coup, dans la folle idée qu’il ne fait qu’aider la nature dans ses fonctions ordinaires. Cette infa-