Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/412

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ractère et de sa tournure, qui semblait devoir être une sauvegarde contre une arrestation ou un vol, s’assit tranquillement sur ses talons, car on lui avait recommandé de ne point se lever avant d’en avoir reçu l’ordre ; et tirant de sa poche l’or qu’il avait reçu, il se mit à le compter de nouveau. La reine absorbait à un tel point l’attention de l’assemblée, que personne ne s’occupa plus du marin.

La reine ouvrit la lettre, et ses regards la dévorèrent en la parcourant. Cette lettre était longue, suivant l’habitude de Colomb, et il fallait un certain laps de temps pour la lire. Cependant personne ne fit aucun mouvement ; chaque regard était fixé sur le visage expressif d’Isabelle, où se peignait tour à tour l’expression animée du plaisir et de la surprise, d’une joie plus grande encore, d’un étonnement plus profond, et enfin un saint ravissement. Lorsqu’elle eut terminé sa lecture, Isabelle leva les yeux au ciel, joignit ses mains avec énergie, et s’écria :

— Non pas à nous, ô Seigneur, mais à toi, tout l’honneur de cette merveilleuse découverte, tous les avantages de cette grande preuve de ta bonté et de ton pouvoir. — Et, se laissant tomber sur un siège, elle fondit en larmes.

À ce geste, à ces paroles de sa royale compagne, Ferdinand fit entendre une légère exclamation ; lui tirant ensuite doucement la lettre de la main, il se mit à la lire avec une grande attention et beaucoup de soin. Le prudent roi d’Aragon avait rarement été aussi affecté, du moins en apparence, qu’il le fut en cette occasion. L’expression première de son visage fut celle de la surprise ; l’empressement, pour ne pas dire l’avidité, vint s’y peindre ensuite ; et lorsqu’il en eut terminé la lecture, sa physionomie grave était épanouie par un transport de joie.

— Luis de Saint-Angel, s’écria-t-il, et vous Alonzo de Quintanilla, ces nouvelles doivent aussi vous être agréables. Et vous-même, saint prélat, vous vous réjouirez de ces glorieuses acquisitions pour l’Église, quoique jusqu’ici le Génois ne fût pas votre favori. Nos espérances sont de beaucoup dépassées, Colomb a bien réellement découvert les Indes, augmentant ainsi nos domaines et notre pouvoir de la manière la plus étonnante.

Il n’était pas ordinaire de voir don Ferdinand si animé, et il semblait convaincu lui-même qu’il se donnait étrangement en spectacle, car il s’avança aussitôt vers la reine, et, lui prenant la main, la conduisit dans son cabinet. En quittant le salon, il fit