Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/454

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a été pendant quelques semaines confiée aux seuls soins du comte de Llera ?

— Je le pense ainsi, Votre Altesse, — si ce n’est qu’elle a été placée sous la protection de la marquise de Moya.

— Mais était-ce agir prudemment, don Christophe ? Un homme qui possède votre expérience aurait-il dû y consentir ?

— Señora ! s’écria Luis qui n’était plus maître de son émotion.

— Silence, jeune homme, dit la reine. J’aurai à vous interroger tout à l’heure, et vous aurez besoin de toute votre sagesse pour répondre comme il convient. — Señor amiral, votre jugement ne vous reproche-t-il pas quelque indiscrétion dans cette affaire ?

— Señora, une telle question est aussi nouvelle pour moi que la raison qui vous porte à me l’adresser. J’ai la plus grande confiance en l’honneur du comte, et je savais en outre qu’il avait depuis longtemps donné son cœur à la plus belle et à la plus respectable damoiselle de toute l’Espagne ; d’ailleurs mon esprit était tellement occupé des graves intérêts de Votre Altesse, que je n’avais guère le temps de songer à des choses qui ne pouvaient avoir à mes yeux qu’une importance secondaire.

— Je vous crois, Señor ; et votre excuse est acceptée. Cependant, pour un homme qui possède toute votre expérience, c’était commettre une grande imprudence que de se fier ainsi à la fidélité du cœur d’un jeune homme aussi léger que volage. — Et maintenant, comte de Llera, j’ai à vous faire des questions auxquelles vous pourrez trouver difficile de répondre. — Admettez-vous la vérité de tout ce qui a été dit jusqu’à présent ?

— Oui, certainement, Señora. Don Christophe ne peut avoir aucun motif pour faire un exposé infidèle, quand bien même il serait capable d’une telle bassesse. Je me flatte que notre maison n’a jamais été citée en Espagne comme ayant produit des chevaliers félons et perfides.

— Je suis d’accord avec vous sur ce point. Si votre maison a eu le malheur de produire un cœur faux et traître, elle a eu la gloire, dit la reine en jetant un coup d’œil sur doña Béatrix, d’en produire d’autres qui peuvent rivaliser de constance avec les noms les plus célèbres de l’antiquité. Le lustre de la maison de Bobadilla ne dépend pas entièrement de la fidélité et de la sincérité de celui qui en est aujourd’hui le chef. — Écoutez-moi, Señor, et ne parlez que pour répondre à mes questions. — Vos pensées se sont dirigées vers le mariage, depuis quelque temps ?