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OU LE TUEUR DE DAIMS.

impression que produit une sérénade sur une jeune fille dans la terre du chant.

Dès ce moment, Chingachgook fut persuadé que sa présence était connue. C’était là un grand point, et il pouvait maintenant espérer que sa maîtresse agirait avec plus de hardiesse qu’elle n’en eût peut-être osé montrer si elle eût ignoré sa présence : il fut certain qu’elle joindrait tous ses efforts aux siens pour opérer sa délivrance. Deerslayer se leva dès que le signal eut été donné, et quoiqu’il n’eût jamais participé à cette douce communion d’idées que les amants connaissent seuls, il découvrit bientôt le grand changement survenu dans les manières de la jeune fille. Elle affecta néanmoins de continuer la discussion, mais ce fut désormais sans finesse et sans énergie ; elle parla, au contraire, de manière à procurer à ses adversaires une victoire facile, plutôt que dans le dessein de la remporter. Une ou deux fois, à la vérité, son esprit vif et naturel lui inspira une réplique ou un argument qui provoqua le rire, et lui donna un instant l’avantage ; mais ces petites saillies qui jaillissaient de source ne l’aidèrent que mieux à cacher ses sentiments véritables, et à faire paraître le triomphe de ses antagonistes plus naturel. À la fin, la discussion se refroidit, et toutes les femmes se levèrent comme pour se séparer. Ce fut alors que Hist s’aventura pour la première fois à tourner la tête vers l’endroit d’où le signal était parti. Elle fit ce mouvement d’un air naturel, mais avec circonspection, et elle étendit les bras en bâillant, comme si le sommeil l’eût accablée. Le cri de l’écureuil prétendu se fit entendre de nouveau, et la jeune fille fut convaincue qu’elle connaissait la position occupée par son amant, quoique la vive lumière dont elle était entourée, et l’obscurité relative où se trouvaient les deux amis, l’empêchassent de voir leurs têtes, seules parties de leurs corps qui paraissaient au-dessus du haut de la colline. L’arbre contre lequel ils étaient appuyés était caché par l’ombre d’un énorme pin qui le séparait du feu, circonstance qui eût suffi pour rendre invisibles, à quelque distance que ce fût, les objets placés dans cette masse de ténèbres. Deerslayer le savait parfaitement, et c’était une des raisons qui l’avaient engagé à choisir cet arbre.

Le moment approchait où Hist allait être dans la nécessité d’agir. Elle devait se coucher dans une petite hutte ou cabane de feuillage, construite près de l’endroit où elle se trouvait, et sa compagne était la vieille sorcière dont il a déjà été parlé. Une fois dans la hutte à l’entrée de laquelle la vieille devait se coucher en travers, comme elle avait coutume de le faire chaque nuit, tout espoir