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DEERSLAYER

du Mohawk, quand le soleil se coucha. Le départ de ce détachement simplifia beaucoup les opérations du lendemain, le corps principal n’étant encombré ni de bagages, ni de blessés, ni de prisonniers, et se trouvant par conséquent plus libre dans ses mouvements.

Judith n’eut de communication avec aucune autre personne que Hist, après la mort de sa sœur, jusqu’à l’instant où elle se retira pour la nuit. On avait respecté sa douleur, et on les avait laissées seules près du corps de la défunte jusqu’au dernier moment. Les tambours interrompirent le silence qui régnait sur le lac, et en éveillèrent les échos si peu de temps après la cérémonie funèbre, en battant la retraite, qu’elles n’avaient plus à craindre qu’on vînt les troubler. L’astre qui avait présidé au rendez-vous donné par Hist à Chingachgook se leva sur une scène aussi silencieuse que si le repos de la nature n’y eût jamais été troublé par les passions des hommes. Une sentinelle fut de garde toute la nuit sur la plate-forme, et, dès le premier rayon de l’aurore, le tambour battit le réveil.

La précision militaire avait alors succédé aux mouvements précipités et irréguliers des habitants des frontières, et après avoir fait à la hâte un déjeuner frugal, la troupe s’avança vers le rivage avec un ordre et une régularité qui ne permettaient ni bruit ni confusion. De tous les officiers, il ne restait que Warley. Croig commandait le détachement qui était parti la veille ; Thornton était avec les blessés, et, comme de raison, Graham accompagnait ses patients. La caisse de Hutter et tout ce qu’il y avait de passable dans son mobilier avaient été emportés avec les bagages de la troupe, et il n’en restait que ce qui ne valait pas la peine d’être emporté. Judith ne fut pas fâchée de voir que le capitaine respectait son chagrin, et que, s’occupant entièrement de ses devoirs comme commandant, il la laissait complètement livrée à ses réflexions. Tout le monde savait que le château allait être tout à fait abandonné ; mais personne ne songeait à demander ou à donner des explications à ce sujet.

Les soldats s’embarquèrent sur l’arche, ayant leur capitaine à leur tête. Warley avait demandé à Judith de quelle manière elle voulait partir, et ayant reçu pour réponse qu’elle désirait rester au château avec Hist jusqu’au dernier moment, il ne voulut pas risquer de l’offenser par des offres de service ou par des avis. Il n’y avait qu’un seul chemin sur pour arriver sur les bords du Mohawk, et il ne doutait pas qu’ils ne se rencontrassent et qu’il ne pût renouer connaissance avec elle.