Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/165

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Au troisième rang marchait le valet de chambre du colonel Wellmere, tenant d’une main une fricassée de poulets et de l’autre un pâte chaud aux huîtres.

Venait ensuite un apprenti du docteur Sitgreaves, qui s’était saisi par instinct d’une énorme terrine de soupe bouillante, comme contenant une matière plus analogue à sa profession. La vapeur qui s’en élevait avait tellement terni les verres des lunettes qu’il portait comme emblème de son métier, qu’en arrivant sur la scène de l’action il fut obligé de déposer par terre son fardeau, et de remettre ses conserves dans sa poche pour pouvoir trouver son chemin à travers les piles d’assiettes de porcelaines placées devant la cheminée pour les échauffer.

Un autre dragon, au service du capitaine Singleton, proportionnant sans doute ses efforts à l’état de faiblesse de son maître, ne s’était chargé que d’une partie de canards rôtis dont l’odeur séduisante lui faisait regretter d’avoir avalé si tard, indépendamment du déjeuner qui lui avait été servi, celui qui avait été préparé ensuite pour la sœur de son maître.

La marche était fermée par le jeune domestique blanc de miss Peyton, gémissant sous le poids de plusieurs plats de légumes que la cuisinière avait accumulés les uns sur les autres, sans calculer ses forces.

Mais il s’en fallait de beaucoup que ces mets composassent tout ce qui devait paraître sur la table. César n’y eut pas plus tôt placé le malheureux oiseau qui, huit jours auparavant, volait sur les montagnes sans se douter qu’il était destiné à figurer si tôt en bonne compagnie, que faisant machinalement un tour sur ses talons, il se remit en marche pour la cuisine, évolution qu’imitèrent successivement ses compagnons. Le même cortège revint bientôt dans le même ordre dans la salle à manger, et des troupes de pigeons, des compagnies de cailles, des vols de bécasses et des bancs de poissons de toute espèce prirent leur place sur la table.

Une troisième visite à la cuisine fut suivie de l’arrivée d’une quantité raisonnable de pommes de terre, d’oignons, de betteraves, et de tous les accompagnements subalternes d’un bon dîner, ce qui compléta le premier service.

La table se trouva alors servie avec une profusion vraiment américaine, et César jetant un regard de satisfaction sur l’ordonnance du service, après avoir placé à son gré quelques plats qu’il n’avait pas lui-même posés sur la table, partit pour aller