Il ne se passa pas longtemps avant que Betty Flanagan sortît du sein des ténèbres, et elle prit possession fort tranquillement de ce que les Skinners avaient abandonné dans leur retraite, leurs provisions et les vêtements qu’ils avaient quittés. La vivandière s’assit avec le plus grand sang-froid, et commença par faire un repas dont elle eut l’air satisfaite. Elle resta ensuite pendant une heure la tête appuyée sur sa main, livrée à de profondes réflexions, puis elle choisit dans les vêtements des Skinners tout ce qui pouvait lui convenir, et enfin elle s’enfonça dans le bois, laissant le feu jeter sa clarté sur les rochers voisins, jusqu’à ce qu’enfin la dernière étincelle se fût éteinte et eut laissé ces lieux livrés à la solitude et à l’obscurité.
CHAPITRE XIX.
Tandis que le sommeil faisait oublier à ses camarades les fatigues et les dangers de leur profession, Dunwoodie n’avait goûté qu’un repos souvent interrompu par l’agitation de son esprit. Dès que les premiers rayons de l’aurore commencèrent à succéder à la douce clarté de la lune, il quitta le lit sur lequel il s’était jeté tout habillé et se leva plus fatigué que lorsqu’il s’était couché. Le vent était tombé, et le brouillard se dissipant, tout promettait un de ces beaux jours d’automne qui dans ce climat si variable succèdent à une tempête avec une rapidité magique. L’heure à laquelle il avait dessein de faire changer de position à son corps n’était pas encore arrivée, et voulant laisser à ses soldats autant de repos que les circonstances le permettaient, il s’avança vers le lieu qui avait été témoin du châtiment des Skinners, réfléchissant sur tous les embarras de sa situation, et ne sachant trop comment concilier sa délicatesse et son amour. Une autre de ses in-