Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/226

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vu comme il tremblait quand je lui ai mis en main le livre saint ! Et d’ailleurs, ma chère Betty, un chrétien se serait-il permis d’écrire sur une bible, à moins que ce ne fût pour y inscrire des naissances, des mariages, des décès ou d’autres choses semblables ?

La vivandière fut charmée du ton de douceur avec lequel son amant lui parlait, mais fortement scandalisée de son insinuation. Cependant elle conserva sa bonne humeur, et lui répondit avec la vivacité des gens de son pays :

— Et croyez-vous que le diable m’aurait payé mes vêtements ? oui, et plus que payé ?

— C’est sans doute de la fausse monnaie, dit le sergent un peu ébranlé par cette preuve d’honnêteté dans un être dont il avait si mauvaise opinion. Il a voulu me tenter par ce métal brillant ; mais le Seigneur m’a donné la force de résister à la tentation.

— Cette pièce m’a l’air bon, répondit la vivandière ; mais, quoi qu’il en soit, je prierai le capitaine Jack de me la changer aujourd’hui ; car pour lui il n’y a pas un diable dont il ait peur.

— Betty, Betty, ne parlez pas si légèrement du malin esprit ; il rôde toujours auprès de nous, et il aura de la rancune de votre langage.

— Bah ! bah ! pour peu qu’il ait d’entrailles, il ne se fâchera pas pour un moment de vivacité d’une pauvre veuve ; je suis sûre qu’aucun autre chrétien ne s’en fâcherait.

— Mais l’esprit de ténèbres n’a d’entrailles que pour dévorer les enfants des hommes, reprit Hollister en regardant autour de lui avec horreur ; et il est bon de se faire des amis partout, vu que nous ne savons ce qui peut nous arriver. Mais, Betty, aucun homme n’aurait pu sortir de cette chambre et passer devant toutes les sentinelles sans être reconnu : profitez donc de…

Le dialogue fut interrompu par un dragon qui vint avertir Betty que les officiers demandaient leur déjeuner, et les interlocuteurs furent obligés de se séparer, la vivandière se flattant secrètement que l’intérêt que prenait à elle Hollister avait quelque chose de plus terrestre qu’il ne se l’imaginait, et le sergent résolu à ne rien négliger pour sauver une âme des griffes d’un malin esprit qui rôdait dans le camp pour y chercher des victimes.

Pendant le déjeuner plusieurs ordonnances arrivèrent successivement. Un message contenait des détails des forces et de la destination des troupes anglaises qui étaient sur les bords de l’Hud-