Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/278

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temps ; n’avez-vous pas un mari pour vous consoler ? Patience ! vous en trouverez un. Mais prenez bien garde qu’il n’ait pas déjà une autre femme, ajouta-t-elle en baissant la voix ; car il est terrible de penser à ce qui pourrait arriver s’il était marié deux fois.

— Elle a perdu la raison ! s’écria miss Peyton en se tordant les mains ; ma pauvre Sara, ma chère enfant ! son esprit est-il donc égaré sans retour ?

— Non, non, non, s’écria Frances. Ce n’est qu’une fièvre au cerveau, elle nous sera rendue !… elle nous sera rendue !

Miss Peyton saisit avec joie cette lueur d’espérance, et chargea Katy de chercher le docteur. Il était occupé à faire subir un interrogatoire aux dragons dans l’espoir de trouver quelque brûlure ou quelque écorchure à guérir, lorsque Katy arriva près de lui, et il s’empressa de se rendre aux ordres de miss Peyton.

— Madame, lui dit-il, une nuit commencée sous de si joyeux auspices se termine d’une manière fâcheuse. Mais la guerre amène toujours bien des maux à sa suite, quoiqu’elle puisse souvent être utile à la cause de la liberté et qu’elle accélère les progrès de la science chirurgicale.

Miss Peyton ne put lui répondre, et se borna à lui montrer sa nièce en sanglotant.

— Elle à une fièvre brûlante, s’écria Frances ; voyez ses yeux et ses joues enflammées !

Sitgreaves étudia un instant avec attention les symptômes extérieurs qu’offrait la malade, et lui prit ensuite la main en silence. Il était rare qu’il montrât une vive émotion ; toutes ses passions semblaient habituées à se concentrer dans une dignité classique, et ses traits rigides et distraits laissaient rarement apercevoir ce que son cœur éprouvait si souvent. Mais en cette occasion les yeux attentifs de miss Peyton et de Frances y découvrirent une expression de compassion et de sensibilité. Après avoir laissé reposer ses doigts environ une minute sur un joli bras dont la peau blanche était ornée d’un bracelet de brillants sans que Sara y opposât aucune résistance, il le laissa retomber avec un profond soupir, et se tournant vers miss Peyton en passant une main sur ses yeux :

— Il n’y a point ici de fièvre, madame lui dit-il ; le temps, les soins de l’amitié et le secours du ciel peuvent seuls opérer une cure pour laquelle les lumières de la science sont insuffisantes.

— Et où est le misérable qui a occasionné ce malheur ? s’écria Singleton en faisant un effort pour se lever du sofa sur lequel sa