Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/46

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— Je les ai passés, répondit Harvey avec une froideur laconique.

— Vous devez maintenant être bien connu des officiers de l’armée anglaise, dit Sara.

— J’en connais quelques-uns de vue, répondit le colporteur ; et promenant les yeux autour de la salle, il les arrêta un moment d’abord sur le capitaine, et ensuite sur M. Harper.

M. Wharton avait écouté successivement avec attention tous ceux qui venaient de parler, et il avait si bien perdu toute affectation d’indifférence, qu’il avait brisé les fragments de la tasse de porcelaine qu’il avait si longtemps examinés pour voir si l’on pouvait la raccommoder. Voyant le colporteur serrer le dernier nœud de sa balle, il dit avec assez de vivacité :

— Allons-nous donc encore être inquiétés par les ennemis ?

— Qui appelez-vous les ennemis ? demanda Harvey Birch en se redressant et en jetant sur M. Wharton un coup d’œil qui lui fit baisser les yeux d’un air confus.

— Tous ceux qui troublent notre paix sont nos ennemis, dit miss Peyton, remarquant que son beau-frère était hors d’état de parler ; mais les troupes royales sont-elles sorties de leurs cantonnements ?

— Il est probable qu’elles en sortiront bientôt, répondit le colporteur en levant sa balle et en faisant ses préparatifs de départ.

— Et les Américains, continua miss Peyton avec douceur, sont-ils en campagne ?

L’arrivée de César et de sa vieille et fidèle compagne, dont les yeux pétillaient de joie évita à Birch l’embarras d’une réponse. César appartenait à une classe de nègres qui devient plus rare de jour en jour. On ne voit plus guère aujourd’hui de ces vieux serviteurs qui, nés ou du moins élevés dans la maison de leurs maîtres, identifiaient leurs intérêts avec ceux des individus que leur destin les obligeait à servir. Elle a fait place à cette race de vagabonds qu’on a vus s’élever depuis une trentaine d’années, et qui rôdent dans tout le pays, sans attachement pour personne et sans être retenus par aucuns principes ; car c’est un des fléaux de l’esclavage, que ceux qui en ont été les victimes deviennent incapables d’acquérir les qualités propres à l’homme libre. L’âge avait donné aux cheveux courts et crépus de César une teinte grisâtre qui ajoutait beaucoup à son air vénérable. L’usage du pei-