Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/189

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on trouva la hache dans le fond de la chaloupe, et Marbre apprit l’usage qu’on en fit immédiatement, par les coups violents qu’il entendit frapper sur les câbles.

— Miles, me dit le premier lieutenant, ces coups me vont au cœur. Les scélérats sont-ils réellement à l’œuvre ?

— L’ancre de bâbord est partie, Monsieur, et les coups que vous entendez maintenant portent sur le câble de tribord, qui est déjà en deux pièces. — C’est fini ; le navire ne tient plus que par la remorque.

— Y a-t-il du vent, mon garçon ?

— Pas un souffle dans la baie, bien que je voie un léger clapotement à la surface de l’eau.

— La marée monte-t-elle, ou descend-elle, Miles ?

— C’est la fin du jusant ; ils ne pourront jamais tirer le bâtiment sur le rocher où ils ont conduit la Loutre, tant que l’eau ne s’élève que de dix à onze pieds.

— Dieu soit béni ! j’avais peur qu’ils ne pussent coucher le bâtiment sur ce maudit lit.

— Cela a-t-il quelque importance pour nous, monsieur Marbre ? Quel espoir pouvons-nous avoir de lutter contre une pareille supériorité de nombre, et en de pareilles circonstances ?

— Cette supériorité m’inquiète peu, mon garçon ; mes hommes sont si étroitement serrés, qu’ils lécheraient la côte nord-ouest tout entière pour pouvoir seulement gagner le pont sans avoir leurs estains percés de part en part. Les circonstances, je l’avoue, doivent compter pour beaucoup.

— Le navire se dirige droit sur l’île ; je ne vois plus d’espoir pour nous, monsieur Marbre.

— Je vous le dis, Miles, il vaut bien la peine de courir quelque danger pour tenter de sauver l’équipage. Si je ne craignais pas pour vous, il y a une demi-heure que j’aurais joué un mauvais tour à cette canaille.

— Ne pensez pas à moi, Monsieur : c’est par ma faute que tout cela est arrivé, et je dois en souffrir. — Faites ce que vous commandent le devoir et la prudence.

J’attendis ensuite une minute, dans toutes les transes de l’incertitude, ignorant ce qui allait arriver, puis j’entendis un bruit qui me fit croire un moment qu’on essayait de faire sauter le pont. Mais les cris et les gémissements qui retentirent ensuite me firent connaître le véritable état des choses. Une décharge de mousqueterie avait eu lieu des fenêtres de la chambre, et tous ceux qui se trouvaient dans