Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/201

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disposé à son idée. Nous avions mis en croix les vergues de perroquet, et serré tout ce qui pouvait donner prise au vent. La chaloupe était à la traîne derrière le bâtiment ; nous étions alors à un mille du passage conduisant au sud vers la baie, et nous gouvernions de ce côté par un vent semblable à celui que nous avions eu depuis une heure après le lever du soleil, quoiqu’il tombât un peu. Nos canons étaient démarrés, et tout le monde à son poste. Je ne savais pas moi-même ce que le nouveau capitaine se proposait de faire ; car il avait donné ses ordres du ton d’un homme dont l’opinion est trop invariablement arrêtée pour admettre aucune observation. La batterie de bâbord était toute prête. Lorsque le bâtiment rasa l’île en entrant dans la baie, toute la bordée fut tirée sur la côte au milieu des arbres et des broussailles. Nous entendîmes quelques cris en réponse, ce qui nous convainquit que la mitraille avait porté, et que Marbre avait calculé avec précision la position d’une partie au moins de ses ennemis.

Quand le bâtiment entra dans la petite baie, ce fut d’un mouvement lent et régulier, la brise étant amortie en grande partie par les bois. Le grand hunier fut mis sur le mât, et je reçus ordre de passer dans la chaloupe avec son équipage armé ; un pierrier y avait été placé, et je me dirigeai vers la baie, pour reconnaître s’il y avait quelques traces des sauvages. En y entrant, le pierrier fut tiré, conformément à mes instructions, et j’acquis bientôt la preuve que nous troublions un bivouac. Il fut chargé de nouveau, et les décharges se succédèrent, appuyées par un feu de mousqueterie assez bien nourri, toujours dirigé sur les broussailles, jusqu’à ce que nous fussions à peu près certains d’avoir balayé la côte. À l’endroit du bivouac, je trouvai les canots et notre yole, et, ce qui était une petite compensation à ce qui était arrivé, un tas de six cents peaux pour le moins, qui avaient été sans doute apportées pour trafiquer avec nous, et nous donner le change jusqu’à ce que le moment parût favorable pour l’exécution du complot. Je ne me fis aucun scrupule de confisquer ces peaux, qui furent transportées à bord du navire.

J’allai ensuite dans l’île, où je trouvai un homme étendu mort, et la preuve qu’une troupe nombreuse l’avait quittée dès qu’ils avaient essuyé notre feu. Sans doute ils n’étaient pas loin, mais il était trop tard pour les poursuivre. À mon retour, je rencontrai le bâtiment qui sortait de la baie, le capitaine n’osant rester une nuit de plus dans l’intérieur. Le vent mollissait, et, comme le flot porte avec une grande force dans les hautes latitudes, nous fûmes charmés de profiter de ce qui restait de jour pour nous remettre au large. La