Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/230

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rions être en mer dans quinze jours ; je veux lui montrer qu’il ne faut que trois jours à de vrais Yankees pour équiper son schooner.

Marbre ne se borna pas aux paroles. Il mit tout le monde à la besogne, et cela avec un ordre, un ensemble, une précision admirables. Nos hommes d’équipage se connaissaient depuis longtemps ; ils avaient appris leur métier par une rude expérience, et ils étaient admirablement disciplinés. Pendant qu’on dressait le grand mât, je faisais gréer le mât de misaine, mettre le bâton de foc en place, ainsi que la vergue de cigarière — car à cette époque-là on portait encore la cigarière, — et établir les basses vergues. Il est vrai que les Français nous avaient apprêté la besogne ; aussi, après le dîner, on commença déjà à s’occuper de transporter à bord la cargaison, l’eau, les provisions, en un mot tout ce qu’on voulait emporter. Le soir, l’Émilie avait toute l’apparence d’un bâtiment qui va appareiller, et tout s’était fait en silence. Napoléon disait qu’il s’était fait plus de bruit à bord du petit schooner qui l’avait conduit de Rochefort à la rade des Basques qu’à bord du vaisseau de guerre qui l’avait transporté à Sainte-Hélène, pendant toute la traversée. Depuis ce jour mémorable, les Français ont appris aussi à garder le silence à bord ; reste à en voir le résultat.

Marbre et moi nous passâmes la soirée à examiner l’aspect des choses, ou, comme il le dit, à généraliser sur l’avenir. M. Le Compte, et il n’avait fait en cela que son devoir, ne nous avait laissé ni poudre à canon, ni piques d’abordage, ni coutelas, ni armes d’aucune sorte, excepté des pistolets d’officiers, et une petite provision de poudre et de balles pour ces pistolets ; car, par esprit de corps, il ne voulait pas que nous fussions à la discrétion de notre équipage, et il nous laissait les moyens de le mettre à la raison, sans nous fournir des armes contre ses compatriotes.

Le lendemain j’étais levé avec l’aurore ; et comme la veille j’avais beaucoup souffert de la chaleur, j’allai me baigner dans le bassin. L’eau était transparente, et à l’endroit que j’avais choisi il y avait un banc de corail à quelques toises seulement de la surface. En plongeant, mes yeux tombèrent sur un groupe de grosses huîtres qui étaient amoncelées sur le roc, et je réussis à en détacher une douzaine qui tenaient ensemble. Je continuai à plonger pendant un quart d’heure, et je réussis à retirer successivement tout ce qu’il y avait d’huîtres, au nombre de soixante à quatre-vingts, et à les déposer sur le rivage. Je reconnus aussitôt que c’étaient des huîtres perlières, et j’appelai Neb pour qu’il les mît dans un panier et les serrât soigneusement. Cette circonstance fut mentionnée à Marbre, qui, n’ayant