Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/240

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CHAPITRE XVIII.


Première Sorcière. — Salut !
Deuxième Sorcière. — Salut !
Troisième Sorcière. — Salut !
Première Sorcière. — Moindre que Macbeth, et plus grand.
Deuxième Sorcière. — Pas si heureux, et beaucoup plus heureux cependant.

Macbeth.


Si Marbre avait été avec nous quand je repris possession de Crisis, rien n’aurait manqué à mon bonheur ; mais son absence était une cause d’inquiétude et de regret qui se mêlait à notre triomphe. J’eus le soir même un moment d’entretien avec le major Merton, pour le tranquilliser, car Émilie, en entendant le bruit du combat, avait éprouvé de vives alarmes ; mais lorsqu’elle apprit que tout était terminé, et de quelle manière, ses craintes s’évanouirent pour faire place à la satisfaction d’avoir recouvré sa liberté.

Je ne tardai pas à lever l’ancre et à gagner le large. Il était nécessaire de dérober nos mouvements le plus possible, pour échapper à certaines questions embarrassantes qui auraient pu venir du gouvernement espagnol au sujet de la violation d’un territoire neutre. Une observation du major Merton me mit sur mes gardes, et je résolus de disparaître aussi rapidement que j’étais arrivé, afin de faire perdre mes traces. Au point du jour, le schooner et la Crisis étaient déjà à quatre lieues de la terre, et « sur la grande route des nations », qui, soit dit en passant, était alors infestée par des voleurs tout autant que toute autre grande route.

Au lever du soleil, nous ensevelîmes les morts. Cette cérémonie fut faite avec la solennité ordinaire ; la joie de la victoire ne pouvait étouffer les tristes réflexions qui calment si vite l’enthousiasme le plus ardent. Je plaignais le pauvre Le Compte. Ses procédés généreux à notre égard, son amour respectueux pour Émilie, la délicatesse de ses sentiments, se représentaient vivement à mon souvenir. Je ne l’avais connu qu’un mois ; mais que ce mois avait renfermé pour moi d’événements importants !

Il restait à décider ce que nous ferions à présent. La Crisis avait la même cargaison qu’au moment où les Français l’avaient prise, augmentée seulement des marchandises dont ils se proposaient de trafiquer sur la côte de l’Amérique du Sud. C’étaient des soieries et divers articles de fantaisie, avec un peu de vin, et elles seraient chez nous d’une défaite presque aussi facile que dans l’Amérique espagnole. J’avais une aversion prononcée pour la contrebande, et puisque le bâtiment avait rempli ses instructions primitives sur ce point,