Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/251

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— Oh ! maître Miles ! maître ! s’écria-t-il dès qu’il put parler ; le canot ! le canot !

— Comment, le canot ? Est-ce que quelqu’un est tombé à la mer ?

— Le canot baleinier, — pauvre capitaine Marbre, — le canot !

— Serait-il possible ! Neb, courez dire à l’officier de quart de mettre en panne dès qu’il le pourra ; je monte à l’instant.

Je pensai que la Providence nous avait enfin conduits sur les tracer du malheureux canot baleinier, et que nous allions voir les restes mutilés de quelques-uns de nos anciens compagnons, — du pauvre Marbre, sans doute, si j’avais bien compris Neb. Eh bien, que la volonté de Dieu soit faite ! Je fus bientôt habillé, et, en montant, j’entendis un mouvement extraordinaire qui prouvait que l’intérêt de nos matelots était excité au plus haut degré. Lorsque je mis le pied sur le pont, on venait de mettre le grand hunier sur le mât et de coiffer les voiles ; tout l’équipage était dans l’agitation, et il me fallut quelque temps pour en découvrir la cause.

La matinée était brumeuse, et d’abord la vue ne s’étendait pas à plus d’un mille autour du bâtiment. Mais peu à peu le soleil en se levant dissipa le brouillard, et la vigie aperçut le canot dont Neb m’avait parlé. Au lieu de le voir flotter à la merci des ondes, avec les restes de son malheureux équipage gisant au fond, comme je m’y attendais, quand je pus le distinguer pour la première fois, il n’était pas à un mille de distance, et venait droit à nous avec une rapidité qui prouvait que les bras ne manquaient pas aux avirons.

À cet instant la vigie cria : une voile ! et en effet un bâtiment nous restait à quatre ou cinq milles sous le vent. Il faisait de la voile pour rejoindre son canot, dont il avait été sans doute séparé par la nuit et par le brouillard. Ce n’était donc qu’un baleinier et son canot ; et en dirigeant une longue-vue sur tous les points de l’horizon, Talcott découvrit bientôt, à un mille au vent du canot, une baleine morte auprès de laquelle était un autre canot, attendant l’approche de son bâtiment qui, sans aucun doute, sur son prochain bord, devait le rejoindre.

— Je suppose qu’ils désirent nous parler, monsieur Talcott, dis-je alors. C’est sans doute un bâtiment américain. Le capitaine est dans le canot et désire nous charger de quelques lettres ou de quelques messages.

Tout à coup Talcott poussa un grand cri : — Hourra ! camarades, s’écria-t-il, trois fois hourra ! je vois le capitaine Marbre dans ce canot aussi distinctement que le canot lui-même.

Ce furent alors des acclamations réitérées qui durent aller droit au