Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/292

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pela qu’il était onze heures, et qu’il était temps de nous retirer.

La matinée du lendemain fut employée à terminer l’affaire du bâtiment. Je fus très-fêté par les négociants et les patrons de navires ; et un de mes armateurs me conduisit à la Bourse pour me faire voir. Il y a des hommes si forts sur les principes, et si esprits-forts en même temps, que l’approbation de leur conscience leur suffit, et qu’ils se moquent, comme ils disent, du qu’en dira-t-on. Je les admire, mais j’avouerai ma faiblesse : je fais grand cas de l’opinion. Je sais bien que ce n’est pas le moyen de devenir un très-grand homme ? car celui qui ne sait ni juger, ni agir, ni sentir par lui-même, sera toujours exposé au danger de faire de trop grands sacrifices aux désirs des autres ; mais on ne peut se refaire. J’étais fier d’être un héros en miniature, ne fût-ce même que dans les colonnes des journaux. Pour tout ce qui est national, leur zèle n’est jamais en défaut. Pour eux, le pays n’a jamais tort, jamais il n’essuie de défaite ni ne peut en essuyer ; mais, en revanche, personne n’a jamais raison ; et la réputation est une propriété publique sur laquelle chaque Américain a des droits, et les journalistes plus que personne. Mais j’étais jeune en 1802, et un article de journal à ma louange avait un certain charme pour moi, je dois l’avouer. Et puis je m’étais bien montré, après tout, et mes ennemis eux-mêmes avaient été forcés d’en convenir.


CHAPITRE XXII.


Les vaisseaux ne sont que des planches ; les marins ne sont que des hommes ; il y a des rats de terre — et des rats d’eau, des voleurs de mer aussi bien que de terre, — je veux dire, les pirates ; — puis il y a danger de l’eau, danger des vents, danger des récifs. — Cet homme, néanmoins, offre une garantie suffisante. — Trois mille ducats, — oui, je crois que je puis prendre son billet.
Shakespeare.


Je voyais Grace, le bon M. Hardinge et ses enfants tous les jours, mais ce ne fut qu’à la fin de la semaine que je pus trouver le temps d’aller rendre visite aux Mertons. Ils parurent bien aises de me voir, mais leurs intérêts n’avaient eu nullement à souffrir de mon absence. Le major avait exposé ses droits au consul anglais, qui, natif lui-même de Manhattan, avait des relations étendues, ce qui lui assurait une influence que ses fonctions seules n’auraient pu lui donner.