Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/305

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nant par le bras, sans s’inquiéter de miss Merton, il se mit à me parler vivement de mes affaires et de sa tutelle. Lucie lui donnait le bras de l’autre côté ; et nous prîmes les devants tous les trois, pendant que Rupert venait ensuite entre Grace et Émilie, qui s’était retirée en arrière par discrétion. Le major Merton suivait appuyé sur son domestique.

— C’est vraiment un endroit charmant, Miles, dit M. Hardinge, et j’espère bien que vous ne songerez jamais à détruire une habitation si commode, si respectable, si antique, pour en construire une nouvelle ?

— Dieu m’en préserve, mon cher monsieur ! Cette maison, avec les additions qui y ont été faites, toutes dans le même style, nous sert depuis un siècle, et peut nous servir encore autant. Pourquoi en désirerais-je une autre ?

— Pourquoi ? c’est ce que je me demande. Mais à présent que vous êtes en quelque sorte commerçant, vous pouvez devenir riche, et désirer d’avoir une résidence.

— Cette folie a pu me passer par l’esprit, quand j’étais enfant, mais aujourd’hui je suis plus raisonnable. Et Lucie, qu’en pense-t-elle ? Trouve-t-elle la maison suffisante ?

— Ce sera à mistress Wallingford à en décider un jour, répondit la chère enfant en éludant la question.

J’aurais voulu surprendre le regard de Lucie pendant qu’elle disait ces mots ; je me penchai un peu en avant ; mais elle avait détourné la tête de manière à ne pouvoir être vue. M. Hardinge prit la balle au bond.

— En effet, Miles, dit-il avec toute la chaleur d’une affection désintéressée, il faudra bientôt songer à vous marier. Mais jamais n’épousez une femme qui voudrait vous faire quitter Clawbonny ; cette femme-là aurait un mauvais cœur ! Songez donc qu’ici tout vous parle de vos parents, de leurs plaisirs et de leurs peines, de leurs joies comme de leurs douleurs !

Ici se plaça naturellement le récit de tout ce qui s’était passé dans ces lieux depuis quarante ans, et le ministre le termina en répétant solennellement : — Miles, n’épousez jamais une femme qui voudrait vous faire quitter Clawbonny !