Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Écrivez-nous, dès que vous trouverez une occasion, Miles, me dit mon ancien ami. J’ai une vive curiosité d’apprendre quelque chose de la France et des Français ; et il ne serait pas impossible que d’ici à peu de temps je pusse la satisfaite par moi-même.

— Par vous-même !… Si vous avez l’intention de visiter la France, que ne venez-vous avec moi ? Est-ce pour affaires que vous iriez ?

— Non, par pur plaisir. Notre excellente cousine pense que quand on tient un certain rang dans le monde, on doit voyager ; et je crois qu’elle a l’idée de me faire attacher à la légation sous un titre ou sous un autre.

Rupert Hardinge, qui naguère n’avait pas un sou vaillant, parlait maintenant de faire son tour d’Europe et de devenir secrétaire de légation ! Il me semblait que j’avais le vertige. Rupert ne resta pas longtemps à bord, et dès qu’il fut parti, je mis à la voile. En longeant les bords escarpés de la crique, tout couverts de broussailles, je cherchai si je ne verrais pas au moins Grace ; mon espoir ne fut pas trompé. Elle était venue avec Lucie par un sentier de traverse, à la pointe que nous devions doubler pour entrer dans l’Hudson. Au moment où le sloop passa devant elles, elles agitèrent leurs mouchoirs, comme pour me témoigner leur intérêt, et j’y répondis en leur envoyant baisers sur baisers ; rien ne rend hardi comme la distance. En ce moment une embarcation à voiles passa devant nos bossoirs, et je vis un monsieur debout, qui s’évertuait de son côté à agiter son mouchoir, comme moi à baiser ma main. Un coup d’œil m’apprit que c’était André Drewett, qui dirigeait son canot vers la pointe ; et l’instant d’après je le vis mettre pied à terre et saluer Grace et Lucie. Le canot remonta la crique, sans doute avec le bagage de son maître, tandis qu’au moment où je le perdis de vue, Drewett venait de prendre avec les deux amies le chemin de Clawbonny.


CHAPITRE XXV.


À mesure que la tempête augmente, ton cœur s’arme d’un triple airain, et tu cours à la côte pour voir le noble vaisseau de guerre s’élancer de vague en vague sur l’Océan, comme le chamois saute de colline en colline, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la vallée.
Allston.


Roger Talcot ne s’était pas endormi pendant mon absence. Clawbonny m’était si cher, que j’y étais resté plus longtemps que je ne me l’étais proposé d’abord ; et, en arrivant, je trouvai les écoutilles