Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/342

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de serrer le vent de si près qu’on a à craindre alors que la lame contrariée ne se redresse et n’inonde le pont ; il ne faut pas être marin pour comprendre que c’est un des plus grands dangers que l’on puisse courir en mer dans un très-gros temps. Quand un navire vient en travers à la mer, ou qu’il se lève de manière à présenter le travers au vent, comme s’il était à la cape, c’est toujours ce péril qui est à craindre. Un autre danger, qui pour être plus prévu exige que l’on connaisse toute la puissance de l’Océan une fois excité, provient de l’impétueuse rapidité des vagues, qui s’élancent encore plus vite que le navire qui fuit devant la tempête, le rejoignent, l’abordent par l’arrière, et vomissent sur le pont leur déluge écumant. Si le bateau à vapeur le Président s’est perdu, j’ai toujours pensé que c’était à la première de ces deux causes qu’il fallait l’attribuer ; elle prouverait ma petite théorie en peu de mots.

Il est certain que, sauf le risque du feu, les bateaux à vapeur bien construits, courent moins de danger que les navires ordinaires, excepté par les très-gros temps. Ils peuvent lutter avec succès contre une simple bourrasque ; mais c’est une malheureuse conséquence de leur construction, qu’à mesure que le danger augmente, leur force de résistance diminue dans la même proportion. Quand la lame est très-grosse, on peut se hasarder à forcer la vapeur, puisqu’une roue peut se trouver presque entièrement hors de l’eau, pendant que l’autre est submergée, et que la machine pourrait se trouver compromise. D’un autre côté, l’extrême longueur de ces bâtiments rend difficile de les présenter debout au vent ou à la lame, la plus sûre de toutes les positions pour un navire dans les mauvais temps, quoiqu’elle l’expose en outre au danger de voir la lame l’aborder par le travers, pendant qu’il court devant elle. En un mot, je crois qu’il est très-difficile, par un très-gros temps, de maintenir un bateau à vapeur hors du creux des lames ; et, plus il est long, moins il y peut rester, sans courir les plus grands dangers ; toutefois cela est vrai des bateaux à vapeur dont la roue est placée suivant l’ancien système ; la vis d’Erricson et les roues submergées de Hunter ont fait des bateaux à vapeur, dans mon humble opinion, les bâtiments les plus sûrs du monde.

Plus d’une fois les vagues se précipitèrent sur le pont de l’Aurore, et alors, comme tout autre embarcation, elle s’élançait d’un bord sur l’autre, ou plutôt son arrière se précipitait en avant comme pour devancer les bossoirs. Dans ces occasions, le bruit fait par le petit foc, qui se tendait tout à coup, ressemblait aux détonations d’un petit canon. Il en était de même de la voile d’artimon, qui, abritée un mo-