Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/349

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Merci, mes braves garçons, merci du fond du cœur, répondit l’excellent homme en s’essuyant les yeux avec le revers de sa main ; je vous connais, je sais que vous le feriez comme vous le dites. Vous avez bien fait, Miles, de monter dans cette hune infernale, car je ne voudrais pas que ces harpies de terre vissent un homme de mon âge, qui n’a point quitté la mer depuis quarante ans, ruisseler comme une baleine qu’on harponne. Eh bien donc c’est le livre de loch qu’il faut vous mettre sous les yeux, n’est-ce pas ?

— Oui, et nous ne vous ferons pas grâce d’une page. Entrez dans les mêmes détails que si vous aviez à régler un sinistré avec quelque compagnie d’assurance.

— Voilà encore des satanés coquins, ces assureurs ; et l’on a diantrement de peine à retirer son argent de leurs griffes ; mais il faut être juste, Il y a pourtant parmi eux quelques braves gens, et à peine un pauvre diable a-t-il fait naufrage, que ceux-là ouvrent leurs écoutilles, et lui comptent son affaire avant qu’il ait eu le temps d’ouvrir la bouche.

— Très-bien. Mais voyons vos aventures, mon vieil ami ; vous oubliez que nous mourons de curiosité.

— Ah ! oui, la curiosité ; voilà une commère qu’il n’est pas facile de faire tenir tranquille, une fois qu’elle est éveillée, surtout chez les femmes ! Allons, il faut vous satisfaire, et je ne tournerai plus autour du pot, quoiqu’il en coûte d’en venir à parler de son obstination et de sa folie. Ainsi, donc, vous m’avez cherché, n’est-ce pas, le jour où le bâtiment quitta l’île ?

— Sans doute, et nous supposâmes que vous étiez fatigué de l’épreuve, avant même de l’avoir commencée, et que vous étiez parti avant nous.

— Vous aviez raison d’un côté et tort de l’autre ; voici comment. Quand vous m’eûtes laissé, je commençai à généraliser sur ma position. — « Moïse, mon vieux, dis-je à part moi, ces gens-là ne consentiront jamais à partir et à te laisser là, dans l’île, comme un infernal ermite. Si tu veux tenir bon et faire le Robinson Crusoé, il faut te tenir à l’écart jusqu’à ce que la Crisis ait mis à la voile. » — Tiens ! à propos, mes amis, qu’est donc devenu le vieux navire ? on ne m’en a pas encore parlé ?

— Elle prenait un chargement pour Londres quand nous sommes partis, les armateurs se proposant de lui faire recommencer le même tour.

— Et ils ne vous en ont pas donné le commandement à cause de votre jeunesse, malgré tout ce que vous aviez fait pour eux ?