Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/357

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tions. Où avais-je été ? où était Talcott ? où était le bâtiment ? quand devais-je partir, et pour où aller ? Ensuite vinrent les confidences. On venait de Paris ; on avait vu le consul de France ; on avait dîné avec M. Livingston, qui négociait alors le traité de la Louisiane ; on avait vu le Louvre, puis Genève, puis le lac ; on avait été à Milan et à Rome ; on avait vu le pape ; Naples ; le Vésuve ; on avait été à Pœstum ; on était revenu à Florence, — et nous voici !

Je me croyais sauvé ; mais je n’en étais pas quitte. Ce fut ensuite le tour des États-Unis : on avait reçu des lettres si délicieuses ! À l’instant même, la poste en apportait une de mistress Jonathan Little, dame de Salem, qui résidait alors à New-York. La lettre avait quatre pages, et était remplie de nouvelles. Alors vinrent les détails, et les noms propres s’accumulaient si pressés sur les lèvres de Sarah, rattachés à une foule d’anecdotes plus ou moins scandaleuses, que je m’étonnais en vérité d’une si imperturbable mémoire.

— À propos, capitaine Wallingford, intercala Jane, dans un moment où Sarah avait eu le malheur de respirer, ce qui me rappela involontairement ce trait du babillard : s’il crache, il est perdu ! — Vous connaissiez la pauvre mistress Bradfort, n’est-ce pas ?

J’inclinai la tête en signe d’assentiment.

— Je vous l’avais bien dit ! s’écria Sarah prenant sa revanche, la pauvre femme est morte, sans nul doute de ce cancer ! Quelle affreuse maladie, et comme nos informations étaient exactes !

— Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est son testament, ajouta M. Brigham, qui, comme homme, tenait surtout au positif ; vous en avez sans doute entendu parler, capitaine ?

Je me bornai à rappeler que je ne savais pas même que cette dame fût morte.

— Eh bien ! elle a tout laissé au fils de son cousin, le jeune M. Hardinge, reprit Jane ; et la sœur, qui est une si charmante personne, n’a pas un dollar. Voyez un peu comme c’est cruel !

— Ce n’est pas tout, ajouta Sarah, on dit que miss Merton, cette jeune Anglaise qui a fait tant de bruit à New-York — de quel comte disait-on donc qu’elle était la petite-fille, monsieur Brigham ?

La question n’était pas plutôt faite que Sarah s’en repentit : elle allait perdre la parole. Le mari saisit la balle au bond.

— De lord Cumberland, je crois, ou quelque nom semblable ; mais peu importe. Ce qui est certain, c’est qu’à présent que le testament de mistress Bradfort est connu, le général Merton, son père, consent à son mariage avec le jeune M. Hardinge, lequel déclare qu’il ne donnera pas un dollar à sa sœur.