Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/375

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Je comprenais tout à présent. Un poids comme celui d’une montagne me tomba sur le cœur, et je marchai quelque temps en silence. Chaque parole de mon tuteur résonnait comme un glas funèbre à mes oreilles. J’aimais tant ma sœur !

— Et Grace, m’attendait-elle à présent ? m’aventurai-je à dire enfin, quoique ma voix tremblât à un tel point que M. Hardinge, si peu clairvoyant qu’il fût, s’en aperçut lui-même.

— Oui, sans doute, et cette nouvelle lui a fait le plus grand plaisir. La seule chose de ce monde à laquelle elle ait paru prendre intérêt depuis quelque temps, c’est à votre prompt retour. Vous êtes, Miles, ce que Grace aime le plus au monde, après Dieu !

Combien j’aurais voulu qu’il dît vrai ! mais, hélas ! je savais trop bien qu’il n’en était rien.

— Je vois que vous êtes tourmenté, mon cher enfant, reprit M. Hardinge. Il ne faut pas vous exagérer les choses par rapport à votre sœur. Elle n’est pas bien sans doute ; mais son mal n’est nullement physique. L’angélique créature sent combien notre pauvre nature est fragile, et elle en souffre profondément. Mais je l’ai raisonnée à ce sujet, et j’espère, avec l’aide de Dieu, que mes observations n’ont pas été sans fruit, et qu’elle est plus tranquille à présent. Elle m’assurait, il n’y a qu’une heure, que, si le sloop vous ramenait auprès de nous, elle serait heureuse.

Il se serait agi de ma vie que je n’aurais pu continuer la conversation sur ce sujet pénible ; je ne répondis rien. Comme nous avions encore beaucoup de chemin à faire, je cherchai à changer de sujet ; autrement je sentais que mes jambes allaient fléchir sous moi, et que je serais obligé de m’asseoir pour pleurer au milieu de la route.

— Lucie doit-elle venir à Clawbonny cet été ? demandai-je, quoiqu’il me parût étrange de supposer que la ferme ne fût pas la demeure ordinaire de Lucie.

— Je l’espère, quoique de nouveaux devoirs ne la laissent pas aussi maîtresse de ses actions que je le voudrais. Vous n’avez pas manqué de la voir ainsi que son frère, Miles, n’est-ce pas ?

— J’ai rencontré Rupert dans la rue, Monsieur, et j’ai eu une courte entrevue avec les Merton et avec Lucie au spectacle. Le jeune M. Drewett était de la partie avec sa mère.

Le bon ministre me regarda en face. — Que pensez-vous du jeune homme ? me demanda-t-il d’un air de confidence, et sans voir qu’il m’enfonçait un couteau dans le cœur. — Eh bien, approuvez-vous ?

— Je crois vous comprendre, Monsieur, vous voulez me faire en-