Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/86

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savaient que le nom des bâtiments qui avaient fait le voyage des Indes depuis un an, et le prix de la viande fraîche et des légumes. Napoléon les civilisa soixante-dix ans plus tard.

Nous fîmes bonne route de Sainte-Hélène aux latitudes calmes, mais elles se trouvèrent être plus calmes encore qu’à l’ordinaire. Nous les traversâmes pourtant avec un peu de patience, et tout alla très-bien jusqu’au moment où nous arrivâmes dans la latitude des Îles du Vent. Marbre me fit un jour l’observation que, pour un homme qui croyait à l’existence de quelque danger pour le commerce américain dans cette partie de l’Océan, le capitaine Digges s’approchait de l’île française de la Guadeloupe plus qu’il n’était nécessaire ou prudent.

J’ai vécu trop longtemps, j’ai vu de trop près les hommes et les choses, pour croire que mon pays et mes compatriotes aient toujours raison, quoi qu’ils fassent, uniquement parce qu’il plaît aux journaux et aux membres du congrès de l’affirmer. Quiconque a été quelque peu sur mer ne peut lire sans beaucoup de défiance, dans les gazettes du jour, le récit de tout ce que le commerce des États-Unis a eu à souffrir de la part des autorités de tel ou tel port, par la prise de tel bâtiment, ou l’emprisonnement de tels officiers ou de tel équipage. La liste des griefs est interminable. En règle générale, il est plus sûr d’affirmer que les parties lésées méritaient tout ce qui leur est arrivé, que de les croire l’innocence même. L’empressement avec lequel ces appels à leur sympathie sont accueillis par les bons habitants de la république fait qu’ils se multiplient de plus en plus ; et la mère qui encourage ceux de ses enfants qui rapportent a bientôt les oreilles rebattues de plaintes et d’inventions de tout genre. Néanmoins c’est un fait hors de toute contestation que le commerce américain servit de pâture à presque toutes les nations belligérantes de l’Europe, entre le commencement de la guerre de la révolution française et sa fin. Les vols commis ainsi au préjudice de cette nation, sous un prétexte ou sous un autre, furent si énormes, qu’ils donnent une apparence de justice rétributive, sinon de droit moral, aux banqueroutes récentes de certains de nos États. La Providence redresse singulièrement tous les torts dans sa marche invariable, et, si l’on allait au fond des choses, on verrait que l’esprit du mal n’a fait autre chose que mettre en œuvre les matériaux fournis directement ou indirectement par les victimes. Des déprédations commises au préjudice des États-Unis, il n’y en eut point de plus criantes que celles de la grande république, sa sœur, à la fin du dernier siècle, et elles eurent un caractère si atroce et si hardi, que j’avoue qu’elles militent un peu