Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/64

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un naturel qui paraissait faire impression sur Neb ; et qui piquait ma curiosité.

— Oui dà, continua Chloé, presque en sanglotant, pas de mariage tant que miss Grace être si pâle, et dans si pitoyable état.

Au ton dont parlait Chloé, elle semblait avoir perdu presque toute espérance ; et que ces réflexions étaient déchirantes pour moi ! Je me détournais pour donner un libre cours à mes larmes, quand j’aperçus Lucie qui venait me dire que ma sœur désirait me parler. Il fallut encore une fois me faire violence, et je descendis auprès de la chère malade.

Grace me reçut avec un sourire angélique ; mais je restai anéanti en remarquant le changement prodigieux qui s’était opéré en elle en si peu de temps ; elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Je l’embrassai sur le front, et il me sembla qu’il était glacé. Elle eut pourtant la force de passer ses bras autour de mon cou, et elle me regarda fixement pendant une demi-minute, avant de parler, comme pour voir si je me faisais encore illusion.

— Lucie m’apprend, cher frère, dit-elle enfin, que vous voulez me conduire jusqu’à New-York pour consulter de nouveau. Elle se trompe, n’est-il pas vrai ?

— Non, Grace ; et, si le vent ne change pas, j’espère que demain matin vous serez établie dans la maison de Lucie, qui ne nous refusera pas l’hospitalité. Aussi, me suis-je permis de former ce projet à moi tout seul, sans vous consulter.

— Pourquoi ne pas retourner à Clawbonny ? si quelque chose peut me faire du bien, c’est l’air natal, Miles, l’air pur de la campagne. Rendez-vous à ma prière, et n’allons pas plus loin que la crique.

— Si vous insistez, Grace, vos désirs seront des ordres pour moi ; mais il faut chercher à remédier à cet état de faiblesse, et de nouveaux avis…

— Songez, Miles, qu’il n’y a pas vingt-quatre heures que vous avez consulté l’un des meilleurs docteurs du pays. Il n’y a rien de changé dans mon état, et ce que l’art peut faire, il l’a fait, en nous laissant des instructions par écrit. Mon bon frère, ne me refusez pas. Ce n’est qu’à Clawbonny que je peux trouver quelque repos. Ici, on ne saurait ni penser à l’avenir, ni prier Dieu. Je vous en conjure, retournons à Clawbonny, si vous m’aimez.