Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/114

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ferme ; il s’asseyait au foyer, faisant connaître dogmatiquement ses opinions, raisonnant avec chaleur contre son propre maître, répandait sa sagesse ex cathedrâ ; mais il attendait avec une patiente humilité, pour s’approcher et satisfaire sa faim, que l’autre couleur eût quitté la table.

Dans cette occasion, M. Woods ne fut pas heureux dans le choix de son sujet. Il y avait eu tant d’activité à déployer, tant de discussions politiques à soutenir pendant la semaine précédente, qu’il n’avait pu écrire un nouveau sermon. Les arguments récents le portèrent à maintenir ses propres opinions, et il choisit un discours qu’il avait déjà prononcé dans la garnison dont il avait été chapelain. Pour faire ce choix, il fut séduit par le texte, qui était : « Rendez à César ce qui appartient à César » ; précepte qui aurait été plus agréable à une audience composée de troupes royales qu’à des hommes mécontentés par l’adresse et les arguments de Joël Strides et du meunier. Cependant, comme le sermon contenait beaucoup de vérités théologiques, et qu’il était suffisamment orthodoxe pour couvrir une partie de sa portée politique, il mécontenta moins les gens instruits que la multitude.

Pour avouer la vérité, le digne prêtre était tellement disposé à continuer son cours militaire d’instruction religieuse, que ses auditeurs ordinaires auraient à peine remarqué sa tendance au loyalisme, s’il n’eût été aussi observé par ceux qui cherchaient partout des causes de soupçon et de dénonciation.

— Vraiment, dit Joël, comme lui et le meunier, suivis de leurs familles respectives, s’avançaient vers le moulin où les Strides devaient passer le reste du jour ; vraiment, c’est pour un ministre un hardi sermon à prêcher dans des temps comme ceux-ci ! Je suis sûr que si M. Woods était dans la Baie, rendre à César ce qui appartient à César serait une doctrine qui pourrait n’être pas si tranquillement reçue par la congrégation. Quel est votre avis, mistress Strides ?

Mistress Strides pensa exactement comme son mari, et le meunier et sa femme furent bientôt d’accord avec elle. Le sermon fournit matière à la conversation chez le meunier pour le reste du jour, et l’on en tira diverses conclusions de mauvais augure pour la sécurité future du prédicateur.

Le ministre ne put échapper entièrement aux commentaires du maître.