Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/141

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n’a pas plus d’affection pour lui que n’en a le reste de la famille, que moi, par exemple. Cependant, en ma qualité de vieux soldat, je ne pousse pas des cris chaque fois que je songe aux coups de fusil qui se tirent là-bas à Boston.

— Je voudrais que tout cela fût fini. Il est si peu naturel de voir Evert et Robert dans des camps opposés.

— Oui, c’est vrai. Malgré cela tout ira bien. Ce M. Washington est un habile homme et me paraît jouer sa partie avec esprit et jugement. Il était avec nous à cette désagréable affaire de Braddock’s, et, entre vous et moi, Wilhelmina, il couvrit les troupes régulières, sans quoi nous aurions laissé nos os sur ce maudit champ de bataille. Je vous écrivis à cette époque ce que je pensais de lui, et vous voyez que je ne m’étais pas trompé.

C’était un des faibles du capitaine de se croire un prophète politique. Et comme il avait réellement parlé avec éloge de Washington, à l’époque qu’il mentionnait, ses opinions s’étaient trouvées influencées par le plaisir d’être du même parti que son favori. Les prophéties produisent souvent elles-mêmes leur propre accomplissement dans des cas beaucoup plus graves, et il n’est pas étonnant que notre capitaine se trouvât fortifié dans ses sentiments par les circonstances.

L’hiver se passa sans qu’aucun des adorateurs de Maud fit une impression visible sur son cœur. Dans le mois de mars, les Anglais évacuèrent Boston ; Robert Willoughby partit avec son régiment pour Halifax, et de là pour l’expédition contre Charlestown, sous les ordres de sir Henry Clinton. Le mois suivant, la famille retourna au Rocher, où il était plus sage et plus sûr de rester pendant un moment si critique, que dans un endroit plus fréquenté. La guerre continuait, et au grand regret du capitaine, sans aucune apparence de la réconciliation qu’il avait prédite avec tant de confiance. Ceci refroidit son ardeur pour la cause coloniale : Anglais de naissance, il était au fond opposé à la rupture du lien qui unissait l’Amérique à la mère patrie, événement politique dont on commençait à parler sérieusement parmi les initiés.

Désireux d’éloigner autant que possible de désagréables pensées, le digne propriétaire de la vallée s’occupa de ses récoltes, de ses moulins et de ses améliorations. Il avait l’intention de louer ses terres en friche, et d’étendre la colonie dans un but d’avenir ; mais