Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/186

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— Hé bien, Monsieur, donnez-moi vos raisons, et cela sans aucune réserve.

— Oui, Monsieur ; le capitaine les connaîtra. Il sait que cette après-midi l’alarme produite par l’arrivée des Indiens nous a fait emporter nos affaires de nos maisons assez précipitamment. Ce fut un terrible moment de désordre. Hé bien, le capitaine sait aussi que nous ne travaillons pas pour lui sans en recevoir de salaire ; j’ai économisé chaque année assez pour avoir maintenant quelques centaines de dollars, et j’ai pensé que l’argent serait en danger si les sauvages commençaient par le pillage, et je suis sorti pour chercher mon argent.

— Si cela est vrai, comme je l’espère, vous devez avoir cet argent sur vous.

Joël étendit son bras et fit toucher au capitaine un mouchoir dans lequel était certainement une bonne quantité de monnaie. Cela fit croire à ses paroles, et leva les soupçons du capitaine. L’inspecteur fut interrogé sur le moyen dont il s’était servi pour franchir la palissade ; il avoua qu’il l’avait simplement escaladée, ce qui n’offrait pas une grande difficulté à l’intérieur. Comme le capitaine connaissait trop bien Joël pour ignorer son amour pour l’argent, il lui pardonna facilement d’avoir désobéi à ses ordres. C’était le seul homme qui ne confiât pas son petit trésor au coffre de fer de la Hutte ; le meunier lui-même avait pleine confiance dans le propriétaire de l’établissement ; mais Joël appréciait trop bien ses propres intentions pour ajouter foi aux intentions des autres.

Pendant tout ce temps le major se tint assez loin pour ne pas être reconnu, quoique deux ou trois fois Joël eût paru vouloir s’assurer qui il était. Maud avait éveillé des soupçons qui s’emparèrent plus aisément des pensées du père et du fils, au moment où les circonstances venaient si mal à propos jeter cet homme à travers leur chemin. Aussi le capitaine désirait-il se débarrasser de son inspecteur le plus tôt possible. Il jugea prudent cependant de l’interroger encore.

— N’avez-vous rien remarqué du côté des Indiens depuis que vous vous êtes éloigné de la fortification, Strides ? Nous n’apercevons pas d’autres traces de leur présence que les feux que voilà, quoique nous pensions que quelques sauvages aient dû passer par ce chemin, car la vache blanche a été traite.