Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’où viennent toutes ces créatures. Je crois vraiment que si nous ne les mangeons pas, ils pourront nous manger.

— Une telle volée de pigeons ferait sensation en Irlande, ajouta le capitaine désireux d’amuser un peu sa femme en faisant jaser l’homme de Leitrim.

— Ah ! cela ferait un dîner pour le fils de chaque mère, et pour les filles par-dessus le marché. Une telle masse d’oiseaux ferait tomber, singulièrement tomber la valeur des pommes de terre, et même du lait de beurre. Y en aura-t-il toujours une telle abondance à la Hutte ? Ou bien cette vue n’est-elle qu’une illusion, faite pour nous donner des espérances qui ne se réaliseront jamais ?

— Les pigeons manquent rarement dans ce pays, Mike, à l’automne et au printemps ; nous avons d’ailleurs en abondance d’autre gibier bien plus exquis.

— D’autre gibier ! est-il aussi abondant ? Eh bien ! la vue seule suffirait pour détruire l’appétit humain. Oh ! je donnerais un de mes doigts pour voir les enfants de ma sœur à même de choisir leur souper au milieu de cette troupe volante. Oh ! qu’il serait doux de voir ces pauvres enfants se satisfaire pleinement, pour la première fois, avec ces oiseaux sauvages !

Le capitaine Willoughby ne put s’empêcher de sourire de la naïveté de son nouveau domestique, et reconduisit sa femme dans la cabane, car il devenait nécessaire de prendre de nouvelles dispositions pour se remettre en marche vers le soir : le lac se dégageait et un des chasseurs, revenu des montagnes voisines, annonça qu’il avait vu l’eau entièrement libre à trois ou quatre milles plus loin. En même temps le vent fraîchit et chassa devant lui les glaçons amoncelés. Au coucher du soleil, toute la rive septentrionale blanchissait sous l’amas des glaces étincelantes, tandis que la surface de l’Otségo, que ne ridait plus le vent, devint unie comme un miroir.

Le lendemain de bonne heure, toute la troupe s’embarqua. Il n’y avait pas de vent, et les hommes furent placés aux rames et aux pagaies. On prit soin, en quittant les huttes, d’en fermer les portes et les volets ; car c’étaient des cavernes pour servir d’endroits de repos aux voyageurs dans les fréquentes allées et venues qui se faisaient de la hutte aux établissements. Les stations étaient alors de la dernière importance, et l’homme des frontières