Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/230

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L’entretien finit là, et le capitaine, après avoir exhorté sa femme et sa fille à donner aux autres l’exemple du courage, sortit de la maison pour aller s’acquitter de ses devoirs parmi ses gens.

L’absence de Joël jetait une ombre de doute sur les esprits des mécontents. Ces derniers étaient nombreux ; car ils comprenaient tous les Américains, excepté les noirs et Joyce.

Strides avait effectué ses desseins plus aisément avec ses compatriotes en se servant adroitement de leurs bonnes aussi bien que de leurs mauvaises qualités. Plusieurs de ces hommes, la plupart même, avaient de bons sentiments ; mais leur attachement à la cause américaine les rendait accessibles à des attaques auxquelles Mike et Jamie Allen étaient insensibles. D’abord, le capitaine Willoughby était Anglais, ensuite c’était un vieil officier de l’armée ; et son fils unique était ouvertement armé contre l’indépendance de l’Amérique. Il est aisé de voir comment un démagogue comme Joël, qui se trouvait à chaque instant à même d’entretenir ses camarades, pouvait faire valoir des circonstances si favorables à ses projets particuliers. Il avait cependant rencontré des difficultés. S’il était vrai que Parson Woods insistait pour faire des prières pour le roi, il était connu que le capitaine riait de son respect pour César ; si Robert Willoughby était major dans les troupes royales, Evert Beekman était colonel dans l’armée continentale ; si le propriétaire du manoir était né en Angleterre, sa femme et ses enfants étaient nés en Amérique et on l’avait souvent entendu exprimer ses convictions sur la justice des demandes des provinciaux.

Aussi la plus grande partie des Américains de la Hutte n’avaient-ils aucune des vues étroites et intéressées de Joël et du meunier. La parfaite intégrité avec laquelle ils avaient été traités avait sur eux quelque influence ; ils n’oubliaient ni la bonté habituelle de mistress Willoughby pour leurs femmes et leurs enfants, ni la douceur de Beulah, ni la beauté, l’esprit et les mouvements généreux de Maud. En un mot, quand le capitaine visita ses hommes, qui étaient alors rangés en dedans des palissades, les Américains étaient plutôt irrésolus que dans des dispositions absolues de mécontentement ou de rébellion.

— Attention ! cria Joyce, quand le capitaine arriva devant la ligne que formaient des hommes différant par la couleur, la taille,