Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/268

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aurez fait feu, vous viendrez me rejoindre de l’autre côté de la galerie.

Le capitaine se retira à l’angle opposé de la terrasse pour observer le résultat du coup de son compagnon. Blodget ne se hâta pas. Il attendit jusqu’à ce qu’il fût certain de son but ; alors le bruit d’une détonation retentit dans le silence de la vallée, et une lueur subite brilla dans l’obscurité. L’homme tomba en dehors, comme un oiseau de son perchoir, au pied de la fortification, mais aucun cri, aucun gémissement, n’indiqua qu’il eût été surpris par un coup inattendu. L’instant d’après, Blodget était à côté du capitaine Willoughby. Sa conduite répondait de sa fidélité, et une cordiale poignée de main assura le jeune homme de l’approbation de son supérieur.

Joyce et les autres hommes avaient pris l’alarme, et le sergent et ses compagnons montèrent immédiatement jusqu’à la terrasse, laissant le nègre seul pour surveiller la porte. Un message fut aussi envoyé aux femmes pour les rassurer, et particulièrement pour engager les noirs à s’armer et à se retirer aux lucarnes.

Tout cela fut fait sans confusion et sans bruit. La terreur réduisit les nègres au silence, et la discipline fit taire les autres. En une minute chacun fut levé et en mouvement. Il est inutile de parler des prières mentales et des émotions avec lesquelles mistress Willoughby et ses filles se préparèrent pour le combat ; la belle et délicate Maud attendit résolument le moment de l’assaut. Quant à Beulah, douce, paisible, comme d’ordinaire, elle ressentait toutes les angoisses d’une mère, et une expression de vive anxiété se remarquait sur son visage habituellement si calme.

Un moment suffit pour mettre Joyce et ses compagnons au courant de ce qui s’était passé. Il y avait quatre hommes armés sur la terrasse, trois se placèrent aux trois côtés exposés du bâtiment pour surveiller le dehors, laissant le maître de la maison aller d’un poste à un autre pour écouter les observations, entendre les rapports et distribuer ses ordres.

Un des hommes surveillait le corps qui était tombé au pied des palissades, pour s’assurer s’il ne bougeait pas, ou si on n’essayait pas de l’emporter. Les Indiens attachent toute la gloire ou la honte d’une bataille à l’acquisition ou à la perte des chevelures des vaincus ; aussi emportent-ils ceux des leurs qui sont tombés, afin qu’ils échappent à la mutilation accoutumée. Quelques tribus