Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/79

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Le capitaine Willoughby comprit son fils ; il jeta un coup d’œil vers sa femme qui resta impassible, tant elle était éloignée de comprendre.

— Nos propres familles sont divisées comme elles l’ont été dans les précédentes discussions, ajouta-t-il. Les de Lanceys, Vancortlands, Philips, Bayards, la plus grande partie de ce pays ; et une portion considérable des familles de Long Island, sont, je pense, avec la couronne ; les Livingstons, Morrises, Schuylers, Reusselaers, et leurs amis, sont pour les colonies. N’est-ce pas de cette manière qu’ils sont divisés ?

— Pas tout à fait, Monsieur. Tous les de Lanceys, avec leurs alliés, sont avec nous, avec le roi, je veux dire ; tous les Livingstons et les Morrises sont contre nous. Les autres familles sont partagées, c’est-à-dire les Corttands, les Schuylers et les Reusselaers.

— Il est heureux pour le chef de la famille qu’il ne soit qu’un enfant.

— Pourquoi, Bob ? demanda le capitaine en regardant attentivement son fils.

— Simplement, Monsieur, parce que sa grande propriété ne peut pas être confisquée. Il y a un si grand nombre de ses alliés contre nous qu’il aurait pu difficilement échapper à la contagion, et les conséquences en eussent été inévitables.

— Tu considères cela comme certain ? La question a deux côtés, et la guerre ne peut-elle pas avoir deux résultats.

— Je ne le pense pas, Monsieur. L’Angleterre ne peut pas être vaincue par des colonies aussi insignifiantes que celles-ci.

— Ceci est bien dit pour un officier du roi, major Willoughby mais les grandes masses d’hommes sont formidables quand elles ont raison, et les nations, car les colonies sont des nations par leur nombre et leur étendue, ne se suppriment pas aisément quand l’esprit de liberté est au milieu d’elles.

Le major écoutait son père avec douleur et étonnement. Le capitaine parlait sérieusement, et il y avait dans sa contenance une animation qui lui donnait de la sévérité et de l’autorité. Peu habitué à discuter avec son père, surtout quand celui-ci était dans une telle disposition, le fils garda le silence ; sa mère, qui dans son cœur était attachée au souverain, et qui se confiait dans la tendresse et la considération de son mari pour elle, ne fut pas si scrupuleuse.