Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/82

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— Mais, Monsieur, je le paierai aussi libéralement qu’il pourra le désirer, observa le major. Si l’on peut l’acheter, mon argent vaut celui d’un autre.

— Nous verrons. Dans les circonstances actuelles, je crois que nous serons plus en sûreté avec de la franchise, qu’en cachant quelque chose à nos gens.

Le capitaine mit son chapeau, et, suivi de toute la famille, il franchit les portes. Comme les sommations avaient été générales quand les Willoughby et le chapelain parurent sur la pelouse, tous les habitants de cette colonie, même les petits enfants, étaient réunis. Le capitaine inspirait le plus profond respect à tous ceux qui étaient sous sa dépendance, quoique quelques-uns, en petit nombre, ne l’aimassent pas. La faute n’en était pas à lui mais plutôt à leur caractère difficile et peu affectueux. Ses habitudes d’autorité ne s’accordaient peut-être pas avec leurs idées d’égalité ; et il est presque impossible à celui qui est relativement puissant et riche, d’échapper à l’envie et aux murmures d’hommes qui, incapables de sentir les véritables distinctions qui séparent l’homme bien élevé des esprits bas et rampants, imputent ses avantages au hasard et à l’argent. Mais ceux mêmes qui se laissaient aller à cette maligne influence ne pouvaient nier que leur maître ne fût juste et bienfaisant, quoiqu’il ne pût pas toujours exercer cette justice et cette bienfaisance précisément dans la voie la mieux calculée pour flatter leur amour-propre et leurs notions exagérées sur les prétentions qu’ils s’arrogeaient. En un mot, le capitaine Willoughby, aux yeux de quelques-uns de ses gens, passait pour un homme orgueilleux, et cela parce qu’il voyait et sentait les conséquences de l’éducation, des habitudes, des manières, des opinions et des sentiments qui étaient inconnus à des hommes qui n’avaient même, pas l’idée de leur existence.

Ce n’était pas une chose inusitée pour les gens de l’habitation d’être réunis de la façon que nous avons décrite. Nous écrivons l’histoire d’une époque que la génération présente, quoique éclairée, peut confondre avec les âges les plus reculés de la civilisation américaine, au moins pour ce qui regarde les usages sociaux. Dans des jours, on n’était pas assez sot pour entreprendre de paraître toujours sage, et les fêtes de nos ancêtres anglo-saxons étaient encore tolérées parmi nous, les réjouissances publiques de la fête de l’indépendance n’ayant pas encore absorbé